La Conversion de Ryanair


Ce sera un des événements marquants de 2016. Ryanair arrive à Roissy. La compagnie a demandé des slots pour 15 vols quotidiens à destination de Barcelone, Bergamo, Berlin, Dublin, Lisbonne, Madrid et Porto. Autant dire que le transporteur extrême « low cost » fait une sérieuse brèche dans la politique qu’il a suivi jusque-là et qui lui a d’ailleurs si bien réussi.

baroux-1En fait, Ryanair a atteint le bout de ce qu’elle pouvait espérer en mettant sur le marché un modèle unique. Celui-ci a d’abord été construit à partir d’une exploitation sans faille, ce que beaucoup semblent oublier.

Le taux de ponctualité de la compagnie est l’un des meilleurs d’Europe, ce qui lui est d’ailleurs nécessaire pour faire tourner convenablement ses appareils. Pour améliorer ses prix de revient, le transporteur irlandais a utilisé toutes les possibilités que lui offrait sa domiciliation dans un pays où le droit du travail est tout de même assez flexible, et où les taux d’imposition restent très raisonnables.

Et puis il a eu le coup de génie de faire payer aux collectivités locales le droit de les desservir, ce qui, par parenthèses, a créé une grande prospérité pour celles qui sont entrées dans ce jeu, très contrebattu, il faut le dire par les tribunaux sous la pression des compagnies traditionnelles.

Bien entendu il fallait rechercher les aéroports secondaires pour au moins trois raisons : des temps d’escale très courts car les plateformes choisies sont peu encombrées, des frais de touchée très réduits et des négociations intéressantes pour obtenir les fameuses primes payées par les collectivités locales. Cela a permis de mettre sur le marché des tarifs proprement incroyables qui cachent d’ailleurs des recettes annexes considérables, c’est-à-dire des coûts supplémentaires pour les passagers.

Et cette stratégie, alliée à un choix d’une flotte moderne uniquement composée d’un seul type d’appareil : le Boeing 737/800, s’est avérée gagnante.

Dans un marché européen où la compétition est féroce et où la croissance naturelle reste faible, Ryanair est ainsi devenu la première compagnie en termes de passagers transportés. Voilà qui mérite le respect, même si son dirigeant Michael O’Leary en montre très peu y compris vis-à-vis de ses clients.

Seulement, tous les modèles, y compris les plus performants, ont une limite. Et il semblerait que les dirigeants de Ryanair aient fait l’analyse que celle-ci était atteinte. Or il faudra bien absorber les 259 appareils commandés : 159 B 737/800 et 100 B 737 Max 8. Pour ce faire, il est devenu indispensable d’aller chercher des clients à plus haut pouvoir d’achat et ces derniers fréquentent les grands aéroports.

D’ores et déjà, Ryanair est présente sur les grandes plateformes d’Europe du Sud : Madrid, Barcelone, Athènes, Rome Fiumicino et Milan Malpensa, Lisbonne et Porto, mais elle n’a toujours pas mis les pieds à Paris CDG ou Orly, Francfort, Amsterdam, Zurich, Istanbul ou Vienne, ni même d’ailleurs à Londres Heathrow. Eh bien on peut parier que cela ne saurait tarder.

L’entrée en force sur Charles de Gaulle est le premier pas, non pas vers la conversion de la compagnie à un modèle plus traditionnel, mais l’ajout d’une forme de transport aérien plus sophistiqué à celui qui lui a déjà si bien réussi. On ne voit pas en effet Ryanair abandonner un système qui non seulement l’a portée au premier rang européen par le nombre de passagers mais également par son niveau de rentabilité : un résultat net de 867 millions d’€ annoncé cette année ce qui pour un chiffre d’affaires de 5,654 milliards d’€ représente tout de même 15 % de rentabilité. Qui a dit que le transport aérien faisait perdre de l’argent ?

En tous cas, Michael O’Leary propriétaire de 4,22% du capital d’une Holding dont la capitalisation boursière est estimée à plus de 18 milliards d’€ se retrouve à la tête d’une fortune de plus de 770 millions d’€.

Bref, il ne faut pas être grand clerc pour voir que cette offensive va faire sérieusement bouger les lignes du transport aérien européen.

Jusqu’ici Ryanair s’était contentée, si l’on peut dire, d’écrémer le marché par le bas de gamme, mais cela ne va pas durer. Elle va entrer dans le marché dur, celui des hommes d’affaires. Elle devra pour cela adapter son modèle, entrer délibérément dans les GDS avec laquelle elle va certainement négocier férocement, elle devra également faire bouger les situations aéroportuaires figées.

Il ne faudra pas attendre longtemps pour qu’elle fasse une offensive sérieuse pour, par exemple, faire sauter le couvercle des 250.000 mouvements d’Orly afin de s’installer durablement et confortablement sur ce qui reste le meilleur aéroport parisien. Tiens, au fait, Air France va de nouveau desservir New-York à partir d’Orly. Voilà une reconversion remarquable autant que positive.

Jean-Louis BAROUX





    Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Sur le même sujet

L’essor de Viaticus, un véritable cas d’école

L’essor de Viaticus, un véritable cas d’école

2486 vues
29 mars 2024 0

Viaticus a clôturé la Semaine des Métiers du Tourisme par un événement d’exception le...

Sabre au petits soins de la réservation d’hôtels

Sabre au petits soins de la réservation d’hôtels

1958 vues
28 mars 2024 0

Le GDS Sabre a annoncé le renouvellement de son partenariat technologique avec HotelREZ, l’une...

Manor déroule le tapis rouge

Manor déroule le tapis rouge

2625 vues
27 mars 2024 0

Hier à Paris, dans les prestigieux salons Hoche, avait lieu le traditionnel MTV du...