Fermons tous définitivement nos agences de voyages … par JL Dufrenne


… pour mieux les rouvrir ! Ce titre choc aurait pu en faire hurler beaucoup il y a un an à peine. Il est aujourd’hui la réalité : nos agences sont bel et bien fermées !

Va-t-on, dans quelques semaines, les rouvrir et reprendre le cours normal de notre activité ? Non seulement je ne le crois pas mais pour ma part, je ne le souhaite pas.

Cette pandémie est riche d’enseignements !

Nous nous sommes pris en pleine tête une réalité que tout le monde connaissait sans trop se l’avouer : un modèle économique à bout de souffle ! Combien d’entreprises du tourisme auraient pu « tenir » si elles avaient du procéder au remboursement immédiat des acomptes clients dès l’annonce du confinement de mars 2020 : une minorité !

Combien d’entreprises du tourisme « tiendront » si, à la sortie du confinement, les clients réclament d’être tous remboursés de leurs acomptes, le
même jour par exemple : une minorité encore !

En résumé, l’absence de courant d’affaires permanent met gravement en péril notre secteur d’activités. Nous le savions tous mais être ainsi confronté à la réalité doit nous amener à revoir en profondeur notre modèle économique.

En dehors de la passion du métier, qui semble demeurer le facteur déterminant d’attractivité, il n’est plus tenable de maintenir une profession à un tel niveau de rentabilité : probablement parmi les plus faibles du marché.

Peu de temps après la réouverture des agences, où les problèmes de trésorerie vont devenir le lot quotidien de tout chef d’entreprise, il deviendra indispensable voire vital de « remettre sur le tapis », et en même temps, le sujet des paiements TO avant départ.

Car si les distributeurs maintiennent leur position de maintenir la totalité des flux financiers, c’est la mise en danger de nombre de producteurs nationaux qui deviendra l’autre sujet de préoccupation. Car si la majorité d’entre eux disparait, c’est en grande partie le métier de distributeur qui disparaitra.

Le moment est venu de sortir de cette guerre stérile opposant les petits distributeurs qui ont des frais et une boutique à faire tourner et qui ont besoin des acomptes clients pour cela face aux grands producteurs qui sont là pour prendre des risques et dont c’est le métier de s’engager !

Ces mêmes producteurs qui, d’ailleurs, ne seraient pas à plaindre puisqu’ils acceptent les conditions, souvent drastiques, que leur imposent les réseaux de distribution.

Attention, nous ne sommes pas ici face à des producteurs dont les sièges sociaux se situent hors de nos frontières avec des responsables nationaux aux pouvoirs très limités.

Je parle bien des producteurs chefs d’entreprise souvent très proches de nous tous et qui crient haut et fort, tous les jours, qu’ils devraient aussi percevoir de la trésorerie générée par les clients, un point vital !

La sortie de la pandémie devrait justement aider à l’avènement de solutions profitables à tous et surtout plus rentables  :

Tout d’abord, le constat est imparable : un nombre d’agences de voyages important fermera ses portes. J’ouvre ici une parenthèse : avant de prendre la dure décision de fermer, que ces agences de voyage se rapprochent de leurs plus proches collègues, à 2 ou 3, des solutions de «survie » peuvent faire sens !

Donc, les cartes seront quelque peu redistribuées : la réduction du nombre de points de vente physique pourrait s’accompagner d’une distribution plus sélective ; C’est ainsi que des nouveaux contrats de collaboration TO/DISTRIBUTION peuvent être rédigés, beaucoup plus contraignants mais aussi beaucoup plus rémunérateurs  :

Le TO garantit à l’agence une exclusivité sur un territoire donné, le fait savoir dans toute sa communication, se refuse à toute vente directe, met en place un call center dispatché exclusivement sur les agences exclusives, met en place une rémunération progressive et attractive , dédie ses actions de communication uniquement auprès de ces agences, ….

De son côté l’agence garantit un volume d’affaires exclusif sur la gamme de produits, affiche clairement son lien avec le TO, lui reverse mensuellement une partie des flux générés par les clients communs (avec partage du risque de défaillance financière),…

Quant à la gestion des groupes qui deviendra demain l’un des vecteurs de vente les plus pérennes et les plus rentables pour les distributeurs, les producteurs mettront en place avec ces agences exclusives et en région des contrats d’engagement bipartites pour la commercialisation de leur production mondiale ou des vols baladeurs ou régionaux sur une zone de chalandise exclusive.

L’offre va inévitablement se réduire et donc mécaniquement la demande sera plus forte. Même si la vente de produits packagés par les TO peut s’envisager au travers d’un canal exclusivement virtuel, la réassurance d’un point de vente régional, la communication ciblée autour de sa zone de chalandise ET le traitement localisé des groupes par ces agences exclusives amènera à un schéma gagnant/gagnant.

Là aussi, il s’agit d’un échange vertueux. L’insertion de l’adresse du client sur le site du producteur reroutera mécaniquement la vente sur l’agence exclusive locale.

Je l’évoquais plus haut, il y aura des fermetures d’agences à la sortie de la pandémie mais ceci n’est peut être pas inéluctable.

Pourquoi ne pas envisager, dès à présent, un regroupement de 2 ou 3 agences « compatibles » qui pourrait générer une optimisation des couts dont une partie pourrait servir à amorcer les acomptes ou déposits à verser dans le cadre de contrats de collaboration exclusifs avec plusieurs producteurs.

Même si je lis avec intérêt les idées qui émergent sur un tourisme de demain basé sur plus d’authenticité, d’éco responsabilité, de voyages moins lointains, je crains que cela ne suffise pas à « faire bouillir la marmite ».

Il ne s’agit surtout pas de rejeter ces idées qui feront sans doute sens, mais sur un temps plus long et il faut, en même temps, se préparer résolument à un nouveau modèle de distribution plus ambitieux, plus engageant mais aussi plus rémunérateur.

Même si cette nouvelle approche ne sera pas suffisante pour pérenniser durablement nos activités, et j’y reviendrai prochainement, les échanges doivent débuter dès à présent.

Cela peut aller très vite : les producteurs identifient, dans chaque grande zone de chalandise, un distributeur éco-compatible … et ils décrochent leur téléphone ! puis les distributeurs sélectionnent quelques collègues proches … et ils décrochent leur téléphone.

Et si demain, notre avenir, ne tenait qu’ à un coup de fil !

Jean Luc Dufrenne





    1 commentaire pour “Fermons tous définitivement nos agences de voyages … par JL Dufrenne

    1. Cher Ami

      J’ai lu avec intérêt votre long témoignage sur notre avenir. Intéressant mais malheureusement dépassé au vu et su de la situation.

      Vous évoquez notre renaissance, pourquoi pas même si vous oubliez dans votre texte que le client a plus d’une longueur d’avance sur nous. La politique des avoirs – contredite dès octobre par le Président des EDV qui affirmait dès septembre qu’en cas d’annulation, les futurs achats de voyages seraient remboursés immédiatement – nous a fait perdre la confiance de nos clients. Leur argent nous sert de trésorerie. Ils ne peuvent pas voyager alors que les Booking et consorts offrent leurs services et remboursent en cas d’annulation.

      Les générations sur lesquelles nous nous appuyons apprennent à se débrouiller seules et plus de la moitié de mes clients sont en difficultés financières pour ces prochains mois, voire années. Bref, travailler un marché sans marché tient plus de Houdini que de Bill Gates.

      Alors, quelle solution ? Sans doute refondre au plus profond de notre métier. Se battre pour effacer nos contraintes législatives et accepter la concurrence de tous les acteurs. Ne plus êtres garants de garanties multiples voire incongrues. D’accepter de produire massivement via les réceptifs, d’avoir des engagements exclusifs avec des TO, de mettre en place une grille de tarifs acceptée par tous… Bref, de repenser nos métiers de A à Z… D’avoir un syndicat qui porte son nom sans se cacher derrière un acronyme opaque. Bien évidemment, il y a des dizaines d’autres pistes à travailler. Je ne doute pas que certaines évoquées ici soit déjà dépassées.

      Aujourd’hui, même les fonds de garantie refusent de nous assumer. Quelle crédibilité avons nous ?

      Sans une série d’actions fortes, beaucoup d’entre nous vont disparaître… Sans même que le client s’en aperçoive. Au mieux nos boutiques deviendront des Kebab ou des banques. Remarquez, j’aime les deux !

      Votre dévoué
      Rick

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