Pourquoi il faut en finir avec les études touristiques sensationnalistes


VainopoulosProfessionnels du tourisme et voyageurs sont constamment abreuvés d’études d’intentions de départs dont les résultats disent tout et son contraire.

On constate en particulier la multiplication de sondages portant sur des périodes très courtes ou à la suite d’événements spectaculaires, aux enseignements très incertains, pour ne pas dire nuls.

Les terribles attentats qui ont frappé l’Ile-de-France en janvier ont malheureusement été l’occasion de le constater une nouvelle fois.

Une tendance à tirer des conclusions hâtives

D’un côté, on s’est alarmé à grand cri d’une baisse des réservations hôtelières à Paris de -9% au cours du mois de janvier en parlant de « Paris déserté », « touristes en fuite », d’une « plongée spectaculaire » et d’« une baisse violente des réservations ».

De l’autre, Easyvoyages, qui se transforme en institut de sondage pour l’occasion, nous annonce que les français ne comptent pas modifier leurs intentions de départs vers les pays d’obédience musulmane et que « les attentats n’ont freiné qu’un quart des voyageurs » vers le Maghreb. Cela sans rappeler bien sûr que ce même site avait enregistré en octobre-novembre 2014 une chute de 24 % à 12 % en 1 an de la part de ses ventes vers la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et la Turquie …
Quitte à confondre intentions de départ et départs effectifs

Il faut rappeler encore une fois que mesurer des intentions de départs sur des périodes extrêmement courtes ou même sur des saisons, n’a aucun sens. Ce qui est d’autant plus vrai au lendemain événements par définition exceptionnels !
Pourquoi ?

D’abord du point de vue de la méthode : on a trop tendance à confondre intentions et départs effectifs d’une part, et à considérer par ailleurs que tous les français partent en vacances chaque année.

Or, il faut rappeler qu’on observe systématiquement un écart important entre les intentions de départs et les voyages réellement vendus et qu’on sait parfaitement que chaque année moins d’un français sur deux part en vacances.

Il est donc absurde de trop se reposer sur les intentions de départs pour estimer la bonne santé du secteur touristique, comme il est simplificateur de publier des chiffres en invoquant l’ensemble des français, lorsqu’on sait que, quelle que soit la période, 50 % d’entre eux ne partent pas . 20 % de départs en moins ou en plus sur 30 millions de voyageurs réguliers, ce n’est pas la même chose 20 % de variation sur 65 millions de français.
Et sans se préoccuper des évolutions de consommation de long terme

Sur le fond ensuite : les études sur de très courtes périodes sont obsolètes parce que les habitudes de consommation du voyage ont changé et que le concept de « saisons » n’est plus valable.

Tout d’abord les réservations sont effectuées dans des délais d’achat très courts, la moyenne étant passée en quelques années de 6 mois à une période comprise entre 6 semaines et 24 heures avant le départ. Difficile dans ces conditions d’avoir des chiffres d’intentions de départ définitifs.
Ensuite, les départs ne sont plus concentrés sur 4 périodes de l’année (Noël, Février, Pâques et Été), mais étalés sur 12 mois et concernent des durées plus courtes. Aujourd’hui, le voyage est devenu un besoin fondamental, consommé tout au long de l’année.

Quelques soient les événements, politiques, économiques ou climatiques, les clients, ceux qui partent au moins une fois dans l’année, n’annuleront pas leurs vacances. A la rigueur, ils reporteront ou changeront de destination. S’ils devaient partir à l’étranger, ils partiront pour une autre destination, mais toujours à l’étranger, la France ne profitant que rarement de ces aléas.

Un phénomène que l’on a pu constater régulièrement depuis 2004, date à laquelle un Tsunami sans précédent a frappé l’Asie du Sud-est.
Il est donc absurde de se fier uniquement à quelques périodes de pointe ou de chute ponctuelles pour tenter de décrire des tendances de long terme.

Il est donc temps d’en finir avec ce type d’études qui ne parviennent qu’à créer des moments d’euphorie ou de dépression, sans fondements et sans recul sur le long terme. A moins que la recherche du buzz permanent soit l’unique priorité…

Richard Vainopoulos





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