Indemnisation des vols : un terrain impraticable pour les agents de voyages


Aujourd’hui, les agents de voyages ne sont pas directement concernés par l’indemnisation des retards, annulations ou surréservations de vols. Cela s’explique par le règlement européen CE n° 261/2004 et par l’arrêt de la Cour de cassation 1ère civ. n° 273/2004 du 8 mars 2012, qui désignent le transporteur aérien effectif comme le seul débiteur des obligations d’assistance et d’indemnisation.

Ces textes excluent donc la responsabilité de l’agence de voyages dans ce domaine, en la cantonnant aux dispositions du Code du tourisme.

Ce dernier encadre uniquement la responsabilité de l’agence de voyage vis-à-vis de son client en cas de mauvaise exécution ou d’inexécution des prestations prévues dans le contrat.

Qui est réellement concerné ?

Le sujet de l’indemnisation des vols relève donc exclusivement :
– des passagers aériens,
– des transporteurs aériens effectifs,
– et de certains intermédiaires mandatés par les passagers (avocats, sociétés de recouvrement spécialisées, associations de consommateurs).

Quand l’agent de voyages s’en mêle… à ses risques et périls

Pourtant, certains professionnels du tourisme — qu’ils soient organisateurs ou distributeurs
— s’immiscent dans ces procédures.

Le plus souvent, c’est par empathie, ignorance, ou pour honorer l’adage bien connu : « le client est roi ».

Mais cette initiative, même bien intentionnée, n’est pas sans risques.

Car le « roi » peut vite changer d’humeur : en cas d’erreur, même involontaire, le client peut se retourner contre l’agent de voyages, alléguant une mauvaise information, une fausse promesse ou une gestion
inadaptée du dossier.

Et quand il s’agit d’indemnisation financière, l’imagination de certains passagers est sans limite.

Des dommages collatéraux… commerciaux

Au-delà du risque juridique, il faut aussi prendre en compte le poids économique et l’influence
des compagnies aériennes.

Elles savent s’unir pour défendre leurs intérêts, notamment via des structures comme l’IATA ou l’ATAF (encore actif, bien que discret).

Les agences de voyages qui s’aventurent sur leur terrain risquent de subir des répercussions commerciales, plus ou moins graves selon les cas.

La révision annoncée du règlement CE 261/2004 ne semble pas devoir remettre en cause
cette répartition des responsabilités.

Attention : la vente de forfaits change la donne

Il existe toutefois une exception de taille : lorsqu’un agent vend un voyage à forfait, il devient responsable de plein droit de la bonne exécution de toutes les prestations, y compris le vol.

C’est une spécificité de l’Union européenne, un véritable cadeau législatif aux consommateurs, qui impose aux vendeurs une obligation de résultat.

Mais là encore, cette responsabilité ne couvre pas les indemnisations prévues par le règlement CE 261/2004.

Une brèche ouverte par la CJUE ?

Une jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, affaire C-163/18 du 10 juillet 2018, HS c/ Aegean Airlines) est toutefois venue nuancer ce cadre.

La CJUE a jugé que le passager d’un voyage à forfait ne peut pas demander directement au transporteur le remboursement du billet, même si l’agence est insolvable et n’a pris aucune mesure
pour garantir ce remboursement.

Cette décision, bien que très ciblée, introduit une brèche dans le système habituellement bien
cloisonné des responsabilités entre transporteurs et agences. Elle pourrait inspirer d’autres
actions, et mérite donc d’être suivie de près.

En conclusion

Le système est clair : ce sont les passagers qu’il faut protéger, pas les agents de voyages.

Ces derniers sont supposés maîtriser parfaitement leur environnement professionnel, connaître les lois qui le régissent, et disposer des moyens nécessaires pour exercer leur métier.

Un cadre exigeant, parfois ingrat, mais incontournable. Le talon d’Achille de la profession.

François Teyssier





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