Pourquoi le transport aérien est-il si peu rentable ?


Les chiffres de la dernière Assemblée Générale de IATA sont très instructifs. Ils donnent une vision globale du transport aérien et de ses perspectives, même si ces dernières sont revues plusieurs fois par an à la hausse ou à la baisse. Pour la première partie de 2025 la tendance est plutôt de revoir les chiffres à la baisse. Retenons cependant les bons résultats de 2024 : 32,4 milliards de dollars de bénéfice pour 4,89 milliards de passagers, en hausse de près de 10 % par rapport à 2023 année qui a marqué le retour du transport aérien à la normale.

Ces résultats apparaissent excellents mais le taux de rentabilité qui reste de 3,4 % est tout de même très insuffisant.

Alors à la tête de IAG, le groupe constitué autour de British Airways et d’Iberia, Willie Walsh, l’actuel CEO de IATA, avait fixé un objectif de 10 % au moins, chiffre qui d’ailleurs a été atteint par le même groupe pendant quelques exercices.

Comment se fait-il alors que les résultats financiers ne correspondent pas au réel succès de ce secteur d’activité ? Sans parler d’excuses, j’y vois plusieurs explications.

D’abord reconnaissons que ce type de service est très dépendant de la situation géopolitique dont il subit les conséquences sans pour autant pouvoir y marquer une quelque influence.

C’est ainsi, par exemple que, régulièrement, des pays entiers sont fermés à la circulation aérienne pendant quelques jours, ou mois, voire beaucoup plus longtemps lorsque de grands conflits ne trouvent pas de solution.

C’est en particulier le cas du survol de la Russie ou des accès à des contrées du Golfe Persique suite aux guerres certes locales, mais qui finalement impactent fortement l’activité aérienne internationale et engendrent de considérables coûts non prévus.

La géopolitique s’invite également dans les cours du pétrole, carburant encore pour longtemps indispensable aux opérations aériennes.

IATA note d’ailleurs que la relative faiblesse des cours du pétrole ferait économiser 25 milliards de dollars au transport aérien pour l’année en cours.

Ce chiffre est à rapporter aux quelques 36 milliards de bénéfices attendus en 2025. La modicité espérée du prix de l’or noir représenterait alors près de 70 % du résultat global de l’activité, c’est assez dire la fragilité de ce secteur.

Reconnaissons que le transport aérien est une activité d’une très grande complexité qui de plus réclame une sécurité sans faille. On a vu récemment que, même avec toutes les précautions qui gèrent le transport aérien, celui-ci est encore sujet à de terribles accidents.

Entre la fin d’année 2024 marquée par le crash de Jeju Air avec 179 morts le 29 décembre, l’accident du Bombardier d‘American Airlines et ses 67 passagers le 29 janvier et la très récente catastrophe d’Air India avec 242 victimes, sans compter le miracle survenu à Air Busan dont l’A321 a pris feu sans que l’on déplore de victimes, l’année 2025 ne s’annonce pas très bien.

Ces accidents particulièrement médiatisés n’influencent pourtant pas la fréquentation des vols dont
le coefficient de remplissage moyen en 2024 a dépassé 83 %.

Et puis il y a la course aux tarifs les plus bas, tout au moins à leur affichage. En fait les compagnies régulières n’ont pas admis l’arrivée des « low costs » qui a bouleversé les marchés en ouvrant le
transport aérien à de nouvelles couches de clientèle. Elles auraient pu saluer cette nouveauté car les clients des compagnies « low costs » ont vocation à venir vers les compagnies traditionnelles pour
autant que ces dernières continuent à marquer un net différentiel de produit.

Ce n’est pas ce qui s’est passé et les transporteurs dits classiques ont laissé dériver leur produit et leurs prix de vente vers le modèle « low costs » sans pour autant faire baisser leurs coûts de
production.

Voilà probablement la meilleure explication à la médiocrité des résultats économiques de ces compagnies.

Rajoutons également que les Etats ont tendance à se servir copieusement du secteur aérien qui, contrairement à son concurrent ferroviaire, paie l’intégralité de ses coûts d’investissements et
d’exploitation et qui en plus voit ses clients frappés de nouvelles taxes dont on aimerait bien savoir à quoi elles vont servir si ce n’est à nourrir leur principal concurrent.

Il n’en demeure pas moins vrai qu’un certain nombre d’opérateurs tirent très bien leur épingle du jeu.

Le groupe IAG a dégagé une marge nette de 8,4 % en 2024 et Singapore Airlines 13,2 %, mais la palme revient à Emirates qui a affiché un résultat record de 14,9 % alors que le géant américain American Airlines devait se contenter d’un modeste 3,27 % de taux de marge nette.

Finalement les meilleures compagnies traditionnelles peuvent encore largement générer de raisonnables bénéfices.

Jean-Louis Baroux





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