Comment Trump s’attaque au tourisme à Cuba
3 mai 2019 Frédéric De Poligny Aucun commentaire À la une Alberto Navarro, Carnival, Cecilia Malmström, Cuba, Donald Trump, Federica Mogherini 5201 vues
Hier 2 mai, le Président Américain Trump a mis sa menace à exécution en donnant son feu vert à l’application du chapitre III de la Loi Helms-Burton votée en 1996, permettant ainsi à tout citoyen américain et aux exilés cubains de lancer des poursuites judiciaires devant les tribunaux américains contre toute société américaine ou étrangère qui tirerait des bénéfices financiers de l’usage d’un bien qui leur aurait été confisqué lors de la révolution cubaine de 1959.
Ce chapitre III avait soulevé un tel tollé international qu’une disposition législative complémentaire prévoyait qu’il pouvait être suspendu par décision de l’exécutif américain par période de six mois reconductibles. Ce qui fut fait sans interruption par tous les présidents depuis 23 ans. Mais Trump avait menacé de le mettre en vigueur, et son premier acte fut de réduire le 1er février dernier la suspension à des périodes de 45 jours. Et finalement le 1er mai, Mike Pompeo, le Secrétaire d’Etat américain a confirmé la mise en route du Chapitre III précisant que « toute personne ou entreprise faisant des affaires à Cuba devrait respecter cette annonce« .
Cette nouvelle est un coup très dur porté à l’économie cubaine, car tous les grands secteurs risquent d’être touchés, à commencer par le tourisme, une des principales sources de rentrées financières mais aussi, et de loin, le premier pourvoyeur d’emplois à Cuba.
Ce risque de poursuites devant les tribunaux américains va effrayer de nombreuses entreprises internationales qui sont aussi implantées aux USA, et qui pourraient même être amenées à se retirer de l’île.
Déjà deux figures de la diaspora cubaine aux États Unis ont annoncé qu’ils allaient déposer leurs premières plaintes dès aujourd’hui. José Ramon Lopez Reguiero dont la famille était entre autres l’actionnaire majoritaire de l’aéroport de la Havane et de la compagnie aérienne Cubana de Aviacion va porter plainte contre toutes les compagnies aériennes utilisant l’aéroport de La Havane et tout particulièrement American Airlines, Aeromexico, Air Canada, Air France et Iberia.
« Cela fait 60 ans que j’attends ce moment » a-t-il précisé, lui qui avait fui Cuba à l’âge de 5 ans.
Le deuxième plaignant dont le dossier est prêt depuis longtemps est Javier Garcia Bengochea qui va commencer par poursuivre la compagnie américaine de croisière Carnival car elle utilise le terminal du port de Santiago de Cuba qui était la propriété de sa famille.
Ce ne sont que les deux premiers signes d’un tsunami juridique qui va durer des années et qui va empoisonner les relations commerciales avec Cuba.
Certains acteurs du tourisme vont dire qu’ils n’utilisent que des hôtels qui n’existaient pas au moment de la révolution cubaine, de construction récente en bordure de mer là où il n’ y avait rien auparavant, et qu’ils ne sont donc pas concernés.
Mais sont-ils surs que le terrain sur lequel ces hôtels sont construits, ne sont pas des terrains expropriés à cette époque au dépend de propriétaires cubains ayant réussis à fuir à l’étranger ? Car tous les biens de ceux qui s’étaient échappés ont été immédiatement nationalisés.
Toutes les grandes sociétés hôtelières internationales pourraient un jour où l’autre faire l’objet de poursuites, le Groupe Accor, la chaîne hôtelière espagnole Melia, premier hôtelier à Cuba, même le groupe américain Marriott avec son nouveau Shératon à La Havane… La liste est sans limite.
En plus d’Air France et du Groupe Accor, le groupe Pernod-Ricard qui distribue dans le monde entier les rhums Havana Club, le groupe de BTP Bouygues, ADP (Aéroports de Paris), la SNCF sont autant de cibles potentielles de taille pour des poursuites pouvant atteindre des dizaines de milliards.
Devant cette nouvelle guerre commerciale que Trump déclare non seulement à Cuba mais aussi très largement à l’Europe et au Canada -qui sera surement le plus impacté car c’est le 4ème partenaire commercial de Cuba-, les réactions internationales sont unanimes.
L’Ambassadeur de l’Union Européenne à Cuba, Alberto Navarro, a parlé d’une « loi illégale et immorale » tandis que la directrice de la diplomatie européenne Federica Mogherini, et la commissaire au commerce Cecilia Malmström, ont prévenu les USA que « l’Europe utilisera tous les moyens à sa disposition pour protéger ses intérêts » en ajoutant que toute demande devant les tribunaux américains seraient vraisemblablement suivie de plaintes des entreprises européennes devant les juridictions de l’UE.
Et pour rajouter une touche à ses menaces, Trump après avoir réduit à 300$ mensuels la somme que les Cubains installés aux USA peuvent faire parvenir à leurs proches restés sur l’île, menace Cuba d’un embargo total comme aux pires heures des relations américano-cubaines.
De nombreux spécialistes parlant d’une éventuelle application du chapitre III, évoquaient un nombre de plaintes autour de 200.000 et parlaient de milliards de dollars de compensations et amendes.
Frédéric de Poligny
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