Aigle Azur au seuil du long courrier


Pour une entreprise, tous les projets de développement sont envisageables ; à une condition toutefois, c’est que l’on procède avec toute la rigueur intellectuelle nécessaire.

Cédric Pastour (photo), en particulier, ne pouvait pas déroger à cette règle, surtout quand la diversification d’Aigle Azur sur le long courrier semble inévitable.

Inévitable car la concurrence devient de plus en plus dense sur les routes principales de la compagnie, notamment sur la desserte de l’Algérie.

Inévitable aussi car le prix moyen du coupon ne cesse de baisser sur le court-moyen courrier ; selon le Pdg de la douairière des compagnies privées françaises, il a carrément perdu 20 % depuis ces 5 dernières années.

Devant un tel effet « ciseau », qui ne touche pas qu’Aigle Azur, cette diversification semble donc non seulement inévitable, mais aussi urgente.

Pour autant, Cédric Pastour préfère la suspendre à deux évolutions principales, l’une externe, l’autre interne.

Sur le plan externe, même c’était un point clé dans l’arrivée de HNA au capital d’Aigle Azur, le Pdg soumet désormais l’ouverture de la ligne Paris-Pékin au règlement de la crise ukrainienne et, plus largement, à la normalisation des relations bilatérales franco-russes.

Déjà que les négociations entre la France, l’Europe et la Russie étaient relativement compliquées, ce conflit latent, mais violent, retire toute visibilité sur la gestion des plans de vol entre la Chine et la France.

F-HBIS 1La ligne Paris-Pékin et les projets asiatiques, Hong Kong par exemple, attendront donc des jours meilleurs…

Mais Cédric Pastour n’est pas homme à se laisser dicter son rythme par des causes exogènes, si objectives soient-elles ; pour lui, il faut toujours rester le maître de ses initiatives.

À ses yeux donc, si la compagnie veut réellement se déployer avec succès dans le long courrier, le règlement des causes internes à l’entreprise est la 1ère des priorités.

En commençant évidemment par les règles de travail.

Calé sur le modèle européen EUROPS, que la France n’applique pas encore, il veut sortir du cadre strictement français, bâti sur le temps de vol, pour se baser sur le ON/OF réel, autrement dit sur les jours travaillés.

Une suggestion que le SNPL défend au niveau national et que la France, peu ou prou, devra adopter tôt ou tard.

C’est l’élément clé du plan de retour à l’équilibre que Cédric Pastour a présenté hier dans les salons de l’intercontinental Grand Paris.

La productivité des 11 avions de la compagnie y gagnerait 10 % et celle des personnels navigants 3 à 4 % sans modification de salaire.

Cela permettrait ainsi d’optimiser sérieusement le plan de vol général, d’ajouter par exemple une fréquence sur Lille-Alger, mais aussi de préparer le fameux déploiement long courrier avec une certaine crédibilité, notamment en Afrique, chasse pourtant gardée d’Air France.

Le Pdg d’Aigle Azur a confiance dans l’issue des négociations qu’il conduit actuellement avec les pilotes ; il les sent très lucides sur les conditions sine qua non du développement de la compagnie.

D’ici la fin de l’année, ce sera réglé, confie-t-il…

Et les résultats d’Aigle Azur peuvent aussi le rassurer : avec 327 M € pour un résultat net négatif de 7 M €, elle réduit ses pertes de 5 M € par rapport à l’an dernier et augmente son taux de remplissage de presque 4 points, à 69,1 %…

C’est un levier efficace pour négocier.

Mais ce patron est d’abord un pragmatique : si la jeune génération de pilotes veut avoir des perspectives de carrière ; si ses aînés, commandants de bord, veulent enfin se retrouver sur du gros porteur ; le chemin dépend d’eux.

Et pour bien se faire comprendre, Cédric Pastour a renoncé à la toute dernière minute aux deux A 330 qui devaient rejoindre la flotte d’Aigle Azur.

Les navigants techniques discutaient toujours le nouvel accord collectif…

La politique n’est pas une question de bien ou de mal, c’est « l’art de rendre possible ce qui est nécessaire »…

Personnage politique autant qu’opérationnel, le Pdg d’Aigle Azur est sûr du « nécessaire », mais il reste prudent sur le « possible » et se donne rendez-vous au printemps 2016…

D’ici-là, il prépare le terrain… histoire de démarrer au plus vite.

Bertrand Figuier





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