Femmes du Tourisme : un observatoire pour l’égalité… et un miroir impitoyable pour le secteur

21 novembre 2025   Evelyne Dreyfus   Aucun commentaire   Distribution    Femmes du tourisme, France    2244 vues

Good job peut-on dire. Femmes du tourisme fête ses 20 ans avec joie et rigueur. L’association publie le fruit d’un long travail d’utilité publique : l’Observatoire égalité femmes/hommes dans le tourisme. Et, clairement, scientifiquement en l’occurrence, la tradition est sauve : on n’est pas déçus…

Ce premier Observatoire lancé par Femmes du Tourisme avec l’assistance de la revue Espace et des chercheurs de l’INNTO (réseau des instituts nationaux d’enseignement et de recherche en tourisme) est un choc visuel… et statistique.

Pour la première fois, un organisme a pris la peine de mesurer sérieusement ce que tout le monde ressentait confusément entre deux réunions : derrière un vernis très féminin, le secteur reste profondément inégalitaire.

Oui, les femmes représentent une large majorité des effectifs. Mais non, elles ne sont pas souvent aux commandes.

Leur présence s’évapore dès que montent les responsabilités, les salaires ou les sièges en conseil d’administration.

Un constat désormais chiffré, méthodique, incontestable. Et un immense travail rendu possible par l’association, bien décidée à passer de l’observation à l’action.

Les chiffres sont éloquents, les témoignages reçus parfois sidérants (2 000 professionnels de tous bords et d’étudiants ont participé à l’enquête).

Quelques idées ? (les chiffres émanent des répondants à l’enquête) : 72 % des hommes accèdent aux postes de cadre ou de chef d’entreprise contre 46 % de femmes à diplômes comparables.

50 % des femmes interrogées gagnent moins de 30 000 € bruts/an contre seulement 25 % des répondants masculins.

Ou bien ces verbatims : « en remplacement d’un directeur homme, mon salaire au même niveau d’expérience, a été diminué de plus de 1000 € par mois », ou bien « toutes les femmes ont été embauchées au physique dans mon entreprise »

Femmes du Tourisme ne veut pas prêcher seule dans le désert

L’association compte peser au cœur des lieux où se décide l’avenir du secteur, en travaillant main dans la main avec les principales instances de concertation : ADN Tourisme, Entreprises du Voyage (EDV), UMIH, CPME, et consorts, tous invités à faire évoluer orientations politiques, gouvernance et pratiques internes.

Reste à voir si leur enthousiasme sera aussi concret que verbal. Un enthousiasme parfois aussi durable que certaines chartes RSE : signé d’une main, oublié de l’autre.

Une nouvelle voie ambitieuse : fonds de dotation, mécènes engagés et label Égalité

Pour éviter que le sujet ne retombe dans la case « bonnes intentions », l’association a créé un fonds de dotation dédié à l’égalité et à la mixité, soutenu par des mécènes tels qu’Orchestra, Explora Journeys, Digitrips, Orca, Change, et d’autres à venir.

Ce fonds structure une nouvelle stratégie autour de trois axes précis :

1. Un fonds d’innovation sociale pour financer des actions concrètes autour de
l’égalité et de la mixité dans le tourisme.
2. L’obtention d’un pourcentage fléché des budgets RSE et des fondations
d’entreprise, afin de passer des discours aux actes (un test grandeur nature
pour vérifier si les entreprises iront au-delà de la slide PowerPoint).

3. La création d’un label “Tourisme Égalité”, récompensant les structures exemplaires où « chaque euro investi sera mesuré à l’aune des critères spécifiques comme la progression du nombre de femmes dirigeantes, la réduction des écarts salariaux, leur présence accrue dans les conseils d’administration etc.

Former, transmettre, accompagner : le trio gagnant

Parce que la transformation culturelle ne se décrète pas (chassez le naturel…), Femmes du Tourisme mise sur la formation à long terme.

Au programme : Mentorat intergénérationnel, Formations “égalité & inclusion” intégrées aux cursus, actions dédiées aux femmes entrepreneures, notamment via la création d’un fonds d’amorçage, accompagnement sur la négociation salariale, meilleur accès aux
dispositifs de financement.

Une stratégie pour renforcer la confiance, les compétences et les opportunités — bref, ce que le secteur n’a jamais pensé à offrir de façon structurée.

La transparence, nerf de la guerre

D’ici à 2027, l’association publiera un baromètre national de suivi de l’égalité. On y mesurera :
L’évolution des écarts de rémunération, la part des femmes dans les postes de direction, La présence dans les conseils d’administration, le nombre d’entrepreneures accompagnées, les actions en faveur de la parentalité.

Et plus largement, la capacité du secteur à passer de la parole aux actes (spoiler : il va falloir être courageux).

Femmes du Tourisme veut que ces données deviennent un instrument de transparence

Une conclusion audacieuse : disparaître… pour réussir ?

Si cette feuille de route réussit, l’ambition ultime est claire : qu’un jour, l’association n’ait plus de raison d’exister. « Si Femmes du Tourisme n’existe plus dans vingt ans, c’est que notre mission aura été remplie », affirme-t-elle.

Difficile de ne pas penser à Coluche, qui en lançant les Restos du Cœur disait espérer leur disparition rapide… On connaît la suite : 40 ans plus tard, ils sont toujours là, et plus nécessaires que jamais.

Souhaitons cette fois que l’histoire prenne un autre tournant — que l’égalité hommes–femmes ne devienne pas un éternel “projet”, mais un acquis. Et que, pour une fois, la disparition d’une association soit une victoire.

En attendant joyeux anniversaire aux Femmes du Tourisme.

Evelyne Dreyfus