Aujourd’hui en Ukraine : l’émotion sur place d’une agent de voyages française
9 septembre 2025 Rédaction Aucun commentaire People Amslav, Drohobitch, Lviv, Natacha Demoux, ukraine 2255 vues
L’Ukraine est une zone de guerre. Il n’est pas permis d’y emmener des touristes. Aucun point de son territoire n’est à l’abri de frappes ou d’opérations militaires. Pourtant une professionnelle aguerrie du voyage, Natacha Demoux, la Directrice du tour opérateur Amslav, a choisit de s’y rendre la semaine dernière.
Cette connaisseuse et amoureuse des destinations de l’Est de l’Europe, Ukraine et Russie compris, a été profondément marqué. La Quotidienne a recueilli son témoignage poignant.
Bien que Lviv soit relativement épargnée par les combats de la ligne de front, la vie quotidienne en septembre 2025 reste profondément marquée par le contexte de guerre.
La ville, située à l’ouest du pays, continue de fonctionner comme un hub de l’arrière-pays, avec une forte présence de personnes déplacées.
La menace des frappes aériennes est constante, les sirènes retentissent et le couvre-feu reste une réalité.
La Quotidienne : Pourquoi avez-vous voulu partir ? Quelles attentes, quelles peurs, quel imaginaire aviez-vous avant d’arriver sur place ?
Natacha Demoux : Mon premier voyage en Ukraine, à Kiev, fut aux côtés de Pascal Falcone et le second, à Kiev et Odessa, fut organisé par Olga Sansone. Nous avons toujours gardé le contact malgré la pause Covid et la guerre en Ukraine.
Dès qu’ils m’ont parlé du projet de ce voyage en juillet dernier, j’ai tout de suite dit oui, sans réfléchir aux potentiels risques et conséquences.
J’avais vraiment eu un coup de cœur pour ce pays, pour ce peuple et ce conflit me tourmente depuis plus de trois ans.
Je ne savais pas trop comment m’investir plus personnellement, Olga et Pascal m’ont offert cette opportunité et je leur en suis profondément reconnaissante.
Etant en contact avec des ukrainiens sur instagram depuis 2018 et suivant l’actualité, je savais qu’à Lviv je n’allais pas trouver une ville détruite et une atmosphère moribonde.
J’ai commencé à angoisser lorsque nous avons passé la frontière dans la voiture du consul et que je me suis dit « Dieu du ciel, j’entre dans un pays en guerre » et j’ai caché cela à ma mère ! Elle me croyait en Pologne.
LQ : De belles rencontres ?
ND : Cette expérience en Ukraine fut plus une aventure humaine qu’un voyage.
Tout d’abord notre petite délégation française a tout de suite bien fonctionné.
Nous étions 2 TO et 2 journalistes spécialistes de géopolitique.
Des partages d’opinions, d’expériences de vie, de voyages, d’émotions et de ressentis évidemment durant ces 4 jours nous ont soudés.
Nous échangeons très régulièrement depuis notre retour.
Nous avons des projets communs comme une table ronde sur l’Ukraine, la création d’une association et très certainement un autre voyage en décembre en partie pour revoir « nos petits ».
Durant ces quatre jours nous avons rencontré des maires dont celui de Drohobitch qui nous a raconté son difficile retour à la vie après avoir combattu depuis 2014, des vétérans dont Oleg qui as passé 10 ans sur le front, des soldats en permission se promenant avec leurs enfants, des hommes blessés, brulés, mutilés à l’hôpital de Lviv prêts à repartir au combat, des veuves de guerre qui s’occupent d’associations pour aider des femmes dans le besoin, des parents ayant perdu leurs fils…
Ce que je retiens de toutes ces rencontres c’est la résilience et le courage de toutes ces personnes meurtries dans leur âme et dans leur chair.
Je n’ai cessé de leur témoigné mon admiration de les voir continuer à vivre, à sourire, à avancer et ils n’ont cessé de remercier la France de son soutien infaillible depuis le début de ce conflit.
Ce qui reste gravé dans ma tête ce sont les photos, partout, de tous ces hommes morts sur le front.
Tous ces visages souriants en tenue militaire qui ont perdu la vie.
Les parents qui nettoient les tombes de leurs fils, les femmes, les enfants se recueillant devant leurs proches.
La minute de silence chaque jour à 9h ou chacun rend hommage aux morts et où la vie en Ukraine s’arrête, le temps est suspendu.
Le convoi de corbillards qui passe chaque jour devant la mairie de Lviv au son de la trompette en direction du cimetière rapportant les soldats tombés, « sur le bouclier » comme on dit là-bas.
Chacun s’arrête et se recueille devant ceux qui ont donné leur vie eu nom de la liberté.
A ces images et à tout ce qu’on a pu nous rapporter du front et qui est juste indicible s’appose le visage des enfants de l’orphelinat près de Lviv que nous sommes allés rencontrer. Pascal les avait déjà vus en juillet.
Nous avons été reçus par des sourires et des petits en tenue traditionnelle.
Spectacles de danse, des chants, cadeaux pour chacun de nous. Ce fut le plus beau moment de cette aventure ukrainienne, celui qui m’a fait un peu oublié l’horreur de tout ce que nous avons vu et entendu avant.
Moi qui ai peu d’intérêt pour les enfants, j’ai totalement fondu et je crois qu’une partie de mon cœur est restée là-bas. Ils m’ont adoptée et donné tant de chaleur et de joie pendant les quelques heures que nous avons passées avec eux.
L’innocence de l’enfance n’est donc pas qu’une légende.
Dans les rencontres marquantes faites en Ukraine, il y a aussi Bastien, un français de 32 ans qui a quitté la France en 2020 et sillonne l’Europe en vélo jusqu’en Inde.
Tombé amoureux de l’Ukraine, il y est depuis plus de 6 mois.
Un personnage singulier et attachant au parcours de vie extraordinaire avec qui j’ai plaisir à converser depuis. Il est un vrai conteur de la vie quotidienne locale et vit actuellement à Odessa.
LQ : Qu’est ce qui vous a bouleversée pendant ce voyage ?
ND : Ce voyage a été pour moi une des expériences les plus fortes et les plus poignantes de ma vie.
Toutes ces rencontres, ces cimetières pleins de drapeaux ukrainiens, ces photos sont gravés dans ma tête à tout jamais.
J’y suis forcément sensible de part mes origines slaves, ma spécialisation chez Amslav et forcément l’intérêt que je porte à l’Histoire et à la géopolitique des pays de l’Est depuis la 4ème.
Si l’avant départ était léger, le pendant par moment difficile (j’ai quand même versé quelques larmes), l’après est le plus dur.
D’une part je me sens encore plus concernée par ce que vivent les ukrainiens chaque jour et d’autre part je ne supporte plus les commentaires haineux, moqueurs sur Zelensky et l’Ukraine que je peux lire sur les réseaux.
Je ne comprends pas les personnes qui se complaisent dans l’ignorance et le jugement sans chercher à comprendre.
On a bien constaté sur place que l’argent de l’Europe ne sert pas à acheter de gros 4X4.
Ce sont les ukrainiens eux-mêmes qui financent en partie les combats, les tenues, les armes et même nourrissent les soldats sur le front…
Ce qui a changé en moi c’est certainement ma façon de voir les choses au quotidien, de « remettre l’église au milieu du village » et de me dire que tant qu’on a la santé et la paix, rien n’est grave.
J’ai certainement perdu un peu de légèreté là-bas et je supporte encore moins les babillages et la médisance.
Je pense que c’est le contrecoup et que ça va passer mais je me sens un peu en décalage.
C’est d’ailleurs le cas de mes partenaires de voyages pour avoir échangé notamment avec deux d’entre eux à ce sujet hier.
Nous allons continuer nos projets et aider à notre petit niveau les enfants sur place et les veuves de guerre.
Nous avons créé une cagnotte à la demande de nos proches qui souhaitent aider que je partage ici : www.solidarite.com/fr/un-voyage-pour-les-orphelins-d-ukraine
Propos recueillis par PR
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