Lufthansa et l’imperium allemand


bertrand FiguierJe ne sais pas ce qu’en pense notre spécialiste, Jean-Louis Baroux, je suis sûr qu’il aura les mots et les idées bien plus adaptés aux circonstances.Car on ne le dira jamais assez, l’heure est grave. Une compagnie aérienne, Lufthansa, pour ne pas la nommer, avec ses filiales bien sûr, a décidé de but en blanc d’ajouter des frais au prix de leur billet.

16 €… quelque soit le billet et l’endroit du monde où on l’achète ; ce n’est pas rien tout de même.

Evidemment, si l’on passe par les différents canaux «maison» de vente (ses sites web), on est exempté de ces fameux frais.

Bien. Lufthansa pousse ses ventes directes. Bon ; jusque là, rien de nouveau.

Lufthansa ne cherche plus seulement à réduire ses coûts mais cherche aussi de nouvelles sources de recettes.

Pas de problème ; l’argent est le nerf de la guerre.

Sauf que je me pose un tas de questions.

Si j’ai bien compris, après avoir déconstruit le produit pour vendre des services personnalisés : le choix du siège, le type de repas, etc… la compagnie allemande, d’une rigueur culturelle bien connue, s’est aperçue que cela avait un coût.

« Jusqu’à présent, ces frais étaient intégrés forfaitairement au prix du billet et répercutés sur l’ensemble des passagers » explique son communiqué.

Très bien.

Je note au passage que personne ne leur avait demandé, surtout pas les agences de voyages, de tronçonner leur produit dans l’espoir d’y trouver de nouvelles sources de marges, des marges «de faux derches , conquises en «lousdé», sans jamais parler de hausse des prix.

Depuis le temps que l’ensemble des compagnies a choisi de développer les outils de New Distribution Capability (NDC), on ne va pas non plus le reprocher à la seule compagnie allemande.

Pourtant, dites-moi si je me trompe, soit Lufthansa se met à l’heure des gouvernements européens qui inventent des taxes en tous genres ; soit elle se prend carrément pour un gouvernement et crée elle aussi des taxes sur mesure qu’elle pourra faire évoluer ensuite, à la manière de la célèbre « surcharge carburant ».

Ou alors, mais je ne peux pas le croire, elle a tout simplement besoin d’augmenter ses prix sans oser le dire officiellement.

Si prendre des frais supplémentaires pour couvrir des coûts de revient ne s’appelle pas une augmentation de prix ? Qu’on me dise comment cela s’appelle.

Est-ce que par hasard, Lufthansa n’assumerait pas cette augmentation ? … peut-être justifiée par ailleurs.

Par les temps qui courent, on peut la comprendre… la concurrence, les réseaux sociaux… une mauvaise réputation, une mauvaise image, tout ça vient si vite.

Mais foin de ces détails.

Pour tous les canaux de distribution hors Lufthansa, cette augmentation entraînera une augmentation de l’effort commercial des distributeurs.

Comment sera-t-il rémunéré, maintenant que les agences travaillent en frais de dossiers ?

Est-ce que ce sera aux agences de justifier auprès de clients le bien fondé des 16 € ?

Pour la compagnie, il suffit de dire aux clients qu’ils ne paieront que ce qu’ils désirent réellement consommer.

Admettons…

Les agences répondront mieux que moi à cet argument.

Pour ma part, je le trouve quand même assez fallacieux, surtout pour le client qui prendra le billet standard, en éco ou classe avant, sans solliciter le moins du monde un quelconque service genre «NDC», mais qui paiera quand même ses 16 € supplémentaires.

Je le trouve aussi fallacieux dans la mesure où la compagnie se défausse sur les distributeurs et leur laisse le soin d’expliquer aux clients une hausse de ses prix, si minime soit-elle, qu’aucune amélioration du produit ne vient justifier.

Et comme je ne crois pas que les dirigeants de Lufthansa soient des crétins, qu’ils aient pu imaginer une seule seconde passer en douceur, sans susciter des vagues de protestation ni prendre des risques énormes sur leur futures ventes, je me demande pour quelles raisons ils ont pris cette décision, visiblement mûrement réfléchie.

Est-ce la récente grève de leur personnel, ou bien la concurrence des compagnies du Golfe, qui les a mis sur le flanc à ce point ?

Est-ce une réflexion que toutes les compagnies ruminent ?

Si c’est le cas, chapeau bas à Lufthansa qui a le mérite de la franchise et de l’audace. Mais certains agents de voyages ont alors raison de parler de «blitzkrieg» tant la nouvelle est tombée comme un couperet, sans la moindre négociation interne à la filière.

Est-ce encore parce que le prix unitaire du transport aérien ne correspond plus à rien, qu’on ne sait plus le calculer, un peu comme celui de certaines actions en ce moment ?

Personne n’est obligé de me suivre sur ce terrain ; mais ça me démange tant, que je pose quand même la question : Serait-ce, par hasard, une manière de se mettre au diapason de Mme Merkel et d’affirmer l’impérium allemand en matière de transport aérien ?

Si c’est cela, rappelons-nous toujours que nous sommes poussière et que nous y retournerons.

Dans la vie, tout passe, tout lasse, tout casse, même le pouvoir ; surtout le pouvoir.

Bertrand Figuier





    1 commentaire pour “Lufthansa et l’imperium allemand

    1. A l’heure où certains réseaux commencent à mettre le nez dans leurs contrats avec TO et compagnies aériennes, pour mieux les renégocier, je pense que cette décision va ré-orienter certains choix de classement privilégie ou prioritaire à manant !
      Et qu’adviendra-t-il une nouvelle fois de cette « taxe » ( appelons un chat un chat !) lorsque le client souhaitera annuler ? Eh bien, comme la majorité des soient disantes taxes d’un billet : non remboursable.
      Une nouvelle fois, les agents de voyages se prennent un coup sur le nez d’un membre de la mafia aérienne ( membre de IATA ) mais à ce petit jeu, je ne suis pas sûr que Lufthansa tienne longtemps. Que croyez-vous qu’il se passera rapidement quand vous avez, sur une destination ( exemple l’Afrique du Sud ) le choix entre BA, KL et LH ? On en reparle dans quelques mois…

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