Nous nous sommes habitués aux chiffres sans cesse croissants du transport aérien, en gros et pour l’année 2025, 5 milliards de passagers, 1.000 milliards de dollars de chiffre d’affaires, plus de 15.000 appareils en exploitation régulière par 1.200 transporteurs dont 800 transportent 98 % du marché.
Et la croissance continue au même rythme de 5 % par an ce qui amène un doublement tous les 15 ans et ce, en dépit du formidable lobby écologiste, le principal ennemi de ce mode de transport.
Je note néanmoins qu’en dépit de cette croissance continue, le transport aérien produit une proportion de CO² en constante diminution par rapport aux autres secteurs économiques de la planète.
Il est maintenant sous la barre des 3 % et le chiffre va forcément diminuer avec l’arrivée d’une nouvelle
génération d’appareils, une meilleure gestion de l’espace aérien et une taille moyenne des avions en
constante augmentation.
Cette croissance ne sera pas tirée par les transporteurs traditionnels qui poursuivront bon an mal an, une progression en dessous de 4 %, mais par de nouveaux arrivants.
La domination du monde occidental va progressivement disparaître au profit des opérateurs asiatiques, et voire même africains. Deux transporteurs attirent l’attention.
Turkish Airlines
Ce n’est pas un transporteur asiatique et pas non plus un européen.
Avant l’an 2000 la compagnie nationale turque ne faisait pas parler d’elle bien que née en 1933.
Mais sous l’impulsion de Recep Tayyip Erdogan alors Premier Ministre, les commandes d’appareils se sont intensifiées et les installations aéroportuaires se rénovent avec la construction du nouvel aéroport d’Istanbul capable de traiter 150 millions de passagers soit deux fois la capacité du plus grand aéroport européen Roissy Charles de Gaulle. Alors où s’arrêtera la compagnie ?
Elle a tissé à partir de son « hub » un réseau considérable qui dessert 352 destinations soit plus que les 350 d’American Airlines actuellement le plus gros groupe aérien mondial.
Elle opère 490 appareils et a passé des commandes pour 352 nouveaux avions. Voilà qui va lui donner les moyens de son expansion.
D’ores et déjà elle est devenue un sérieux concurrent pour les transporteurs du Golfe en se positionnant sur leur marché de correspondances entre l’Asie et les autres continents.
Cette stratégie lui a d’ailleurs beaucoup réussi car avec un chiffre d’affaires de 22,7 milliards de dollars en 2024, soit 10 fois celui réalisé 20 ans plus tôt, elle a dégagé un profit net de 3,64 milliards de dollars qui ferait beaucoup d’envieux. Voilà de quoi lui ouvrir les moyens de ses ambitions.
Indigo
Ce transporteur indien ne cesse d’étonner.
De création beaucoup plus récente, 2005, il est maintenant géré par Pieter Elbers l’ex CEO de KLM entré en conflit avec Benjamin Smith le dirigeant du groupe Air France/KLM.
Nul doute qu’il n’aura de cesse de prendre sa revanche contre les européens qui, finalement, lui ont préféré un canadien pour diriger l’un des trois grands groupes aériens du continent.
Certes Indigo est pour le moment d’une taille bien inférieure à celle de Turkish Airlines tout au moins en termes économiques : 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires quand même, pour un résultat positif de 860 millions de dollars.
Mais les chiffres opérationnels sont impressionnants : 434 appareils en exploitation pour 126 destinations principalement situées dans le sous-continent indien et plus de 100 millions de passager transportés.
Ce qui impressionne sont les ambitions de la compagnie concrétisées par la plus extraordinaire commande d’appareils : 1.016 pour tout dire, certes à livrer échelonnés sur plusieurs années.
Mais dans cette commande il y a maintenant des longs courriers.
Autrement dit les projets d’Indigo ne vont pas se limiter à l’Inde ni même aux destinations du Golfe.
L’Europe est sans aucun doute dans la ligne de mire de Pieter Elbers.
On pourrait ajouter d’autres transporteurs asiatiques et en particulier Air Asia et surtout l’indonésien Lion Air dont il faut rappeler qu’il a été la première victime des défaillances de Boeing avec la perte du premier B737 Max dont à l’époque le constructeur avait fait porter la responsabilité sur l’exploitant.
Rien qu’en regardant la répartition des considérables commandes d’avion, autour de 18.000, en rappelant que la valeur moyenne d’un appareil est de 100 millions de dollars, on voit très bien que la croissance du transport aérien sera amenée par les pays situés autour de l’Océan Indien.
Or ceux-ci ne sont pas, pour le moment au moins, perméables aux pressions écologistes.
Jean-Louis Baroux