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Transport aérien : vers la consolidation ou l’atomisation ?

baroux-1 [1]Pour le moment c’est une pensée acquise, le transport aérien va vers la consolidation. Et il est vrai que les faits donnent raison à cette assertion. Aux Etats Unis les « majors » ont été obligées de se rapprocher et même de fusionner car elles étaient incapables de soutenir la concurrence des nouveaux opérateurs « low costs ».

Ainsi Delta Air Lines a absorbé Northwest, American a fusionné avec AmericaWest qui elle-même s’était déjà mariée avec US Airways et United a mangé Continental Airlines. Et le tout a engendré des monstres qui transportent plus de 100 millions de passagers avec des flottes approchant le millier d’appareils le tout opéré par des équipes de 100.000 salariés.

Et apparemment cette stratégie est payante puisque tous les gros transporteurs américains dégagent des profits confortables après avoir essuyé des pertes considérables.

En Europe le même phénomène peut-il se produire ? A l’évidence on est entré dans le même processus. Lufthansa a regroupé Sabena, Austrian et Swiss et consolidé sa position domestique en absorbant Germanwings et Eurowings. Il faut tout de même avoir un solide appétit.

British Airways a créé le groupe IAG pour mettre la main sur Iberia et Vueling avant de se payer Aer Lingus très prochainement.

Air France est dans la même stratégie avec la mise sous le même toit de KLM, Martinair, Transavia et des domestiques français sous la bannière de HOP.

En Amérique latine, Lan Chile a fusionné avec TAM pour faire LaTam Airlines Group après avoir créé Lan Peru, Lan Ecuador, Lan Dominicana, Lan Express regroupées sous le vocable Lan Airlines, et Lan Argentina.

Par contre il semble que l’Asie et l’Afrique restent pour le moment en dehors de ce mouvement.

Alors est-ce la solution pour que le transport aérien retrouve la voie du profit qu’il n’aurait jamais dû perdre ? Notons tout d’abord que la consolidation américaine s’est faite sous la pression des réalités économiques. Les compagnies ne souhaitaient pas fusionner, elles y ont été conduites car tous les majors sont passés par la case Chapter 11 (le dépôt de bilan à l’américaine) et les rapprochements restaient la seule solution pour en sortir.

D’ailleurs c’est un peu la même situation qui a poussé KLM à se rapprocher d’Air France, Swiss, Sabena et Austrian à passer sous la coupe de Lufthansa et Iberia à rejoindre British Airways.

Pour autant, est-ce une solution pérenne ? Je suis frappé du gigantisme qui s’est emparé de ce secteur d’activité. Certes la mondialisation est un fait et les compagnies doivent avoir accès à tous les marchés. Certes Internet a modifié en profondeur les méthodes de management. Mais enfin ces énormes groupes ont dépassé la taille raisonnable.

Et puis le temps où les Etats eux-mêmes se regroupaient est passé. L’Europe en agglomérant 28 pays avec des règles de fonctionnement créées pour 6 est en passe d’exploser de nouveau. La mondialisation et la généralisation d’Internet et des réseaux sociaux, permettent paradoxalement à de toutes petites entités d’atteindre tous les marchés et de devenir des acteurs mondiaux.

On voit les régions telles que la Catalogne, l’Ecosse ou la Padanie en Italie du Nord, réclamer leur indépendance à corps et à cris. Est-ce que cette même tendance ne va pas se retrouver dans le transport aérien ?

Est-on certain que la grosse taille du groupe Air France/KLM ou du groupe Lufthansa n’est pas finalement un facteur de faiblesse. Est-ce que les fameuses synergies qui sont l’objectif recherché dans les regroupements ne sont pas un miroir aux alouettes, car les mettre en opération entraîne des coûts considérables ?

Et puis, la consolidation n’empêche finalement pas les nouveaux acteurs d’entrer en scène. C’est le cas des « low costs ». Ils sont nombreux à vouloir tenter leur chance avec des réussites variables.

Au fond les compagnies qui réussissent sont celles qui ont une stratégie claire, un management efficace et une forte cohésion sociale. Les soubresauts inévitables liés aux fusions et rapprochements divers sont facteurs d’affaiblissement comme en fait l’expérience le Latam Group.

Mettre sous le même toit des cultures différentes est une vraie gageure managériale et à ce jour, les réussites durables de cette stratégie ne sont pas évidentes.

Jean-Louis Baroux