Parfois le transport aérien est difficile à comprendre. Certaines pratiques ou annonces tonitruantes engendrent des incompréhensions, tout au moins en ce qui me concerne. Voilà quelques exemples.
Le prix des avions
Dernièrement, à la suite de sa visite dans le Moyen Orient, l’équipe de Donald Trump et peut-être lui-même ont annoncé une commande massive d’appareils Boeing de la part du Qatar : 160 appareils long-courriers répartis entre des B787 Dreamliners et les derniers B777X pour un montant de 200 milliards de dollars.
Je veux bien que le prix des avions ait énormément monté ces derniers temps, mais je ne vois pas comment on peut arriver à de tels montants. Prenons les plus gros appareils, les B777X de 400 à 430 sièges selon les versions, le prix affiché, avant remises, est de 440 millions de dollars.
On est loin des 1,250 milliards de dollars que représente le coût moyen des appareils affichés par les communiqués de la Maison Blanche.
En fait on s’approcherait plutôt d’un montant total de 120 milliards de dollars en comptant les lettres d’intention pour la moitié du nombre d’appareils annoncés. Pourquoi ces effets d’annonce qui ne reposent sur aucune réalité économique ?
Cela est d’autant plus curieux que Boeing est encore incapable de prévoir la date des premières livraisons des B777X pour la bonne raison que l’appareil n’est pas encore certifié.
Je suis toujours étonné des effets d’annonce au cours desquels on aligne à loisir des sommes astronomiques sans doute pour faire plus d’effet que celles des concurrents.
Finalement personne ne sait réellement le vrai prix de vente des appareils, même approximativement.
Il faudrait pour cela que les comptes des constructeurs et ceux des acheteurs qu’ils soient compagnies aériennes ou compagnies de leasing, soient un peu plus détaillés.
Mais apparemment, cela n’intéresse personne.
Le « yield management »
Voilà une très bonne idée, tout au moins sur le papier. Il s’agit de maximiser la recette de chaque vol.
Pour cela il convient de ne laisser
aucune place vide car celle-ci coûte autant que celles occupées sans rien rapporter.
Sauf que les équipements des appareils ne sont pas très flexibles et qu’il est impossible d’adapter les sièges en fonction de leur recette potentielle laquelle est d’ailleurs inconnue.
Et les progrès de l’informatique sont venus apporter leur capacité de complexification.
Bref les tarifs évoluent au gré des « Yield Managers » lesquels derrière leurs écrans sont chargés de faire en sorte que le vol dont ils ont la charge amène le plus possible de recette.
C’est bien normal, sauf que les clients ne comprennent plus rien et qu’ils ont simplement constaté que, soit ils arrivent à bénéficier de tarifs si peu chers qu’ils ne couvrent pas les coûts, soit ils ont l’énorme frustration d’avoir dû payer leur trajet beaucoup plus cher que leurs voisins le tout pour exactement la même prestation.
Au fond, pour garnir le dernier siège vide, les compagnies ont été amenées à accepter des coefficients de remplissage souvent au- dessus de 90 % de la capacité des appareils ce qui engendre un réel inconfort à la fois pour les passagers mais aussi pour les membres d’équipage qui doivent gérer les énervements de leurs clients.
Il serait peut-être plus simple d’afficher des règles claires et simples en acceptant certes de perdre quelques points dans le taux d’occupation, mais en gardant une recette équivalente
Après tout, le transport aérien s’est bien développé avant que le fameux « yield management » ait été conduit à des dérives telles que l’on peut trouver jusqu’à plus de 100 tarifs différents sur un même vol long-courrier dans la même classe de services.
Un peu de bon sens ne ferait pas de mal.
La protection des passagers en cas de dépôt de bilan
La compagnie Air Belgium a récemment déposé son bilan lassant sur le carreau les clients qui avaient acheté leurs billets à l’avance poussés en cela par les règles tarifaires.
Ils sont créditeurs de 8 millions d’euros et ne verront jamais leur argent.
Comment se fait-il encore que les responsables du transport aérien n’obligent pas les compagnies aériennes à créer une caisse de garantie pour pallier leurs éventuelles défaillances ?
Les transporteurs qui sont les premiers à réclamer cette disposition auprès de leurs distributeurs, devraient avoir la décence d’en faire autant de leur côté vis-à-vis de leurs consommateurs.
A vouloir toujours reporter cette nécessaire disposition, ils s’exposent à ce que les législateurs européens et américains prennent des mesures infiniment plus contraignantes que c’elles dont ils pourraient convenir.
Ne jamais demander aux autres ce qu’on ne veut pas faire soi-même, voilà qui est très compréhensible.
Jean-Louis Baroux