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Tourisme parisien : Vol à l’intérieur d’un nid de confinés

Est-ce que vraiment, à part le ciel visiblement bloqué en bleu quarantaine à Paris, tout est confiné ? Jadis terre de voyages, voyage et de tourisme effréné, le nez au vent, Paris est devenu un pays étranger. Avant de descendre pour ma balade dûment attestée, je vois que trois grandes perruches vertes viennent de s’installer sur l’arbre en face.

Le soir souvent ce  sont trois oies qu’on voit voler. Les merles de leur côté, ont compris depuis un moment que s’ils me voient assise à la fenêtre de la cuisine c’est que je déjeune et qu’il y aura donc du rab pour eux. Avec un petit coup de tête penchée de côté sur le toit d’en-face et hop, salut les copains vous pouvez picorer. Les miettes du cake (ma production de ce côté bat des records) c’est pour vous.

Bon allez c’est l’heure de la balade.
En une heure de balade uni-kilométrique, c’est fou ce qu’on découvre. Déjà mon ascenseur.
Quelqu’un a collé une feuille avec ces petits bâtonnets qu’on barre quand ils atteignent le chiffre 5 (les mêmes qu’on gribouillait à chaque fois que le prof d’histoire, en cours, répétait machinalement « n’est-ce pas ») pour savoir depuis combien de jours déjà on en est à dépoussiérer, ranger, nettoyer nos placards, nos fenêtres et tout le reste.

Dans le même ascenseur, mon petit voisin de 11 ans écrit qu’il veut faire, ni plus, ni moins, qu’une encyclopédie (il voit loin ce jeune homme). Donc ce futur Diderot nous demande de lui fournir des photos « d’animaux, de plantes et de corps ».

L’immeuble s’exécute cela va sans dire.
Me voilà dehors. Une file de 5 personnes environ, distanciation Covid-19 respectée, fait la queue à l’extérieur, devant un tout petit comptoir de bistrot pour avoir son café à 1 € dans un gobelet jetable.

Je n’y résiste pas. Pas terrible le café en question que je bois au soleil sur le trottoir d’en-face mais là il me paraît finalement sublime. Un peu plus loin, je remarque que Paris est envahie de mini-jardinets plantés par des particuliers autour des arbres. De vraies petites jungles. Drôle comme ce voisin à l’air chafouin habituellement qui me croise, semble presque souriant derrière son masque imprimé avec des dizaines de petits singes ridicules.

On échange même deux mots, contents de voir qu’on aide une même association du coin de la rue qui récolte une cagnotte avec la complicité de commerçants du coin.

En contrepartie les commerçants offrent chaque jour pain, croissants, plats préparés, fruits à des membres du personnel de l’hôpital Saint Antoine tout proche. C’est un peu plus consistant que les applaudissements de 20 h.

Tiens l’étroite rue Saint-Nicolas est barrée… par un filet de badminton où un père et son petit garçon agitent leurs raquettes. Je passe devant une pharmacie avec, en vitrine, cette jolie affiche : « zéro masque, zéro gel. Il nous reste du Viagra ». Tout ça au-dessus d’un empilement de paquets de
couches de marque « Marmailles Plus ».

Au retour, je regarde les immeubles et vois une jeune femme en mini-bikini assise sur le rebord de sa fenêtre, téléphone à l’oreille et les jambes posées sur le store déployé du restaurant d’en-dessous qui est fermé. Franchement il y a de quoi voyager ces jours-ci. Autrement. Et pas trop longtemps on l’espère.

Et vous savez quoi, la veille en fin d’après- midi, j’ai même vu le trait blanc d’une trace d’avion rayer le bleu du ciel ! Rarissime.

Evelyne Dreyfus