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Du ski à Masikryong : la Corée du Nord n’a pas froid aux yeux

Seule du genre en Corée du Nord, la station de Masikryong, n’accueille quasiment aucun skieur. Mais l’hôtel de la station, lui, est luxueux. Une plaque en pierre proclame qu’il s’agit d’un « projet national grandiose ». « L’oeuvre du Cher dirigeant Kim Jong-Un qui a dédié son dur labeur, son coeur et son âme pour que notre peuple soit le plus heureux et le plus civilisé (…) sera racontée aux générations futures« . Au pied des pistes désertes, un écran géant crache à plein tube les chants d’une chorale militaire.

La construction de cette station, sur une initiative personnelle du dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un, a commencé après la désignation de Pyeongchang, localité de la Corée du Sud rivale, pour accueillir les jeux Olympiques d’hiver de 2018.

D’après l’outil statistique Indice de la faim dans le monde (IFM), 40 % environ des Nord-Coréens sont sous-alimentés. Et les infrastructures de ce pays pauvre mais doté de l’arme nucléaire sont souvent délabrées.

[1]Des photographies de Kim Jong-Un figurent partout dans un centre réservé aux visiteurs. Les guides expliquent que le numéro un nord-coréen est venu prodiguer ses conseils 144 fois durant les travaux de construction.

Hormis la piste d’apprentissage réservée aux débutants, la station, à trois heures de Pyongyang, est déserte.

La remontée mécanique d’occasion de la société autrichienne Doppelmayer transporte les visiteurs au sommet du mont Taehwa, où une poignée d’Occidentaux curieux jouissent du luxe de la quasi solitude.

Le forfait journalier coûte aux étrangers près de 100 dollars, contre l’équivalent d’une trentaine de dollars sur le marché libre pour les Nord-Coréens, dont une centaine environ évoluaient ce jour-là sur la piste des débutants.

[2]Cette somme représente un mois de salaire pour un ouvrier ordinaire mais la plupart des Nord-Coréens viennent ici dans le cadre de voyages organisés par leur employeur ou leur école et cela ne leur coûte quasiment rien.

Les responsables de la station parlent de 70.000 visiteurs annuels, un chiffre difficile à concevoir à la vue des pentes vides.

Pour le directeur de l’hôtel An Song-Ryol, la station, c’est du tout bénéfice. « Nous nous fichons du coût s’il s’agit d’améliorer le bien-être du peuple. Nous ne faisons pas de calculs ».

[3]Pyongyang mène une politique dite du « byungjin », à savoir la poursuite simultanée de la croissance économique et du développement des armes nucléaires. Son programme nucléaire et balistique lui vaut de multiples sanctions de l’ONU, y compris l’interdiction d’importer des produits de luxe comme les snowmobiles et « autres équipements sportifs récréationnels ».

D’après Nick Bonner, directeur de Koryo Tours, une agence spécialisée dans les voyages en Corée du Nord, Masikryong répond aux aspirations des autorités selon lesquelles un pays prospère doit être doté d’une station de ski.

Andrei Lankov, professeur à l’université Kookmin de Séoul, n’est pas du tout d’accord: pour lui, les attentes de Pyongyang en matière de tourisme sont « absolument infondées« , « quasi comiques« .

Kim Jong-Un a été à l’école en Suisse, rappelle-t-il. « Il a simplement décidé d’imiter ce qu’il y a vu. Il a vu des montagnes coréennes merveilleuses, et c’est vrai, elles sont belles. Il s’est dit, pourquoi ne ferions-nous pas de notre pays une destination touristique comme la Suisse pour faire beaucoup d’argent comme la Suisse ?« .