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Quel avenir pour Air France et Lufthansa face aux compagnies du Golfe ?

Vainopoulos [1]Dans l’aérien, le temps est au changement. Air France remet en question les sacro-saints billets « gratuité partielle » de ses employés pour redresser ses finances, Ryanair demande à décoller d’Orly pour atteindre la clientèle affaire et les compagnies du Golfe dénoncent ouvertement le protectionnisme européen pour mieux conquérir le marché mondial.

Difficile de dire qui en sortira gagnant. Aujourd’hui pointées du doigt, les majors européennes n’ont pas dit leur dernier mot. Reste à aller au bout de leurs efforts de productivité et à choisir clairement entre une approche low-cost et haut-de-gamme.

Compagnies low-cost : la fin du toujours moins

Les résultats historiquement négatifs de l’emblématique Ryanair en 2014 ont marqué la fin d’une ère. Celle du low-cost envers et contre tout, celle durant laquelle la réduction des coûts justifiait un service toujours plus dégradé. La compagnie irlandaise, après des années de croissance exponentielle, semble avoir atteint un seuil.

Les passagers ne sont plus prêts à supporter n’importe quoi et réclament un minimum de savoir-vivre. Surtout, la baisse constante des prix, qui permettait jusqu’à présent de remplir des avions, ne peut plus continuer sans dégrader les recettes de la compagnie qui a affiché une perte de 35,2 millions d’euros l’année dernière.

Résultat des courses, Ryanair opère un grand revirement stratégique. La compagnie souhaite se rapprocher d’avantage du modèle Easyjet, basé sur des départs depuis des aéroports majeurs, des services de meilleurs qualité, et la priorité donnée à la clientèle affaires en croissance de 8,5% au niveau mondial au premier semestre 2014 contre 4% pour le trafic général. Un positionnement qui a permis à Easyjet d’augmenter ses tarifs de 7% en 2014…

Compagnies du Golfe : un succès générateur de tensions

Dans une autre catégorie, les compagnies du Golfe, qui trustent avec les compagnies asiatiques les premières places de tous les classements internationaux, n’ont pas fait autre chose. Contrôle drastique des coûts et investissements permanents dans l’innovation produit sont les deux piliers d’une stratégie qui a permis à ces illustres inconnus de devenir des géants mondiaux en une dizaine d’années et à l’aéroport de Dubaï de s’imposer comme un hub incontournable.

Un succès tellement fulgurant que certaines compagnies européennes et nord-américaines en sont aujourd’hui réduits à dénoncer des subventions de la part des Etats du Golfe et à militer pour un protectionnisme renforcée sur leurs marchés pour survivre. Une stratégie qui pourrait effectivement ralentir l’expansion d’Emirates, Qatar Airways et Etihad à moyen-terme, mais qui ne permettra pas de renouer avec la croissance. Sans compter qu’elle est légèrement malvenue de la part de compagnies encore récemment adossées à la puissance publique ou profitant du « chapter 11 » américain…

Majors européennes : la possibilité d’un sursaut

En réalité, quelles sont les opportunités pour Air France et consœurs dans ce contexte mouvementé? Clairement la priorité est à la réduction des coûts. Les directions précédentes d’Air France ont toujours refusé d’attaquer ce problème de manière frontale, ce qui rend la tâche d’autant plus difficile pour les dirigeants actuels. Reste que le bras de fer engagé avec les syndicats, et particulièrement les pilotes, est vital pour l’avenir de la compagnie. Ses performances futures reposent en grande partie sur sa capacité à générer des gains de productivité importants. Or si les PNC ont déjà fait de gros efforts, les pilotes refusent leur part du fardeau. Une attitude qui ne fait qu’empirer les choses et qui pousse la direction à envisager un nouveau plan social, le quatrième en trois ans.

Vient ensuite la question de la stratégie commerciale. Sur le volet low-cost, la compagnie Transavia d’Air France s’approche davantage du modèle Easyjet que de celui de Ryanair et pourrait donc produire quelques résultats. A condition bien sûr d’atteindre une capacité de contrôle des coûts comparables à la concurrence, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Surtout, est-ce que cette stratégie de réductions tarifaire et budgétaire permettra de générer suffisamment d’argent pour remettre le groupe à flot ?

La véritable opportunité porte sur le volet business et haut-de-gamme. Air France et Lufthansa, au passé glorieux et à l’image de marque encore puissante, ont tout à gagner à miser sur une montée en gamme de leurs offres. A miser sur des fauteuils plus larges mais plus chers, plutôt que sur un entassement en classe économique. A parier sur des classes affaires plus confortables et plus attractives, plutôt que sur des économies sur les menus et services en vol.

La clientèle affaire est en croissance et prête à dépenser plus pour arriver à destination reposée et prête à travailler. C’est elle qui permet de dégager des marges pour ensuite réinvestir dans le produit. Et c’est cette amélioration de l’expérience en vol qui permettra à terme de faire face à l’attractivité du hub de Dubaï pour les voyages Eurasiatiques.

Les majors européennes sont aujourd’hui à la croisée des chemins. Choses impensables il y a seulement quelques années, certaines d’entre-elles se font partiellement racheter par des compagnies étrangères telles Alitalia par Etihad, avec parfois des résultats concluants, à l’image de l’opération Qatar Airways – British Airways.

Des opportunités financières existent certainement pour les autres compagnies nationales, mais l’essentiel est entre leurs mains : réduire leurs coûts et miser sur le mieux plutôt que le moins.

Richard Vainopoulos