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Pourquoi nous sommes tous des schizophrènes

Le modèle de société auquel les français sont tellement attachés consiste à prélever une part très importante de la richesse créée (on en est à plus de 55% du PIB), pour la faire retomber en pluie de distribution en aides collectives ou individuelles. Cela a pour première conséquence de renchérir le coût du travail car c’est sur lui que repose la plus grande partie de la redistribution. Et, mécaniquement, nos coûts de production en subissent le contre coup.

Mais dans le même temps, nous souhaitons acheter le moins cher possible. C’est ainsi que nous n’hésitons jamais à faire porter nos choix sur des produits importés, en provenance de pays où le modèle social est différent, qui redistribuent beaucoup moins à leurs populations et qui, par conséquent, n’ont pas besoin de créer des taxes équivalentes à celles qui pèsent sur les sociétés françaises.

[1]Le transport aérien n’échappe pas à la règle. Les compagnies françaises supportent des charges supérieures à celles de leurs homologues européens pour ne pas parler des asiatiques ou des transporteurs du Golfe.

Mais dans le même temps, les consommateurs français plébiscitent les compagnies à bas coûts lesquelles peuvent sans problème opérer sur notre territoire soit parce qu’ils sont européens et qu’ils bénéficient des accords de ciel ouvert, soit parce qu’ils ont négocié et obtenu les droits de trafic, souvent d’ailleurs en faisant remarques qu’ils font tourner les chaînes de fabrication d’Airbus.

Comment sortir de cette situation qui rend la vie impossible aux opérateurs français ? Certes ils ne peuvent pas s’exempter des efforts qui s’imposent à tout le monde, mais quel que soit le travail fait en interne, cela ne compensera pas la différence de coûts de production par rapport aux grands LCC européens : Ryanair, EasyJet, Norwegian ou Vueling, et aux grands asiatiques Chinois ou aux transporteurs du Golfe.

Le problème n’est d’ailleurs pas de reprocher à ces derniers leurs pseudo avantages, après tout, ces pays ont choisi leur modèle de société qui n’est pas le nôtre, mais de créer les conditions pour que les transporteurs français puissent vivre décemment.

Soyons réalistes. Il y a peu de chances de faire baisser significativement le coût du travail par le seul jeu de la négociation sociale, même si, à la marge, certaines améliorations peuvent être obtenues.

Il y a d’autre part peu de chances également pour que le pétrole se maintienne durablement, je veux dire pendant plusieurs années, au prix exceptionnellement bas que nous constatons ce qui constitue la première et probablement seule cause de l’amélioration des comptes des compagnies.

Alors il faudra bien se résoudre à enrayer la baisse continue des tarifs. Il faut que les consommateurs qui finalement sont les seuls juges de paix, apprennent à payer le prix juste, c’est-à- dire celui qui couvre toutes les charges et qui permet une rémunération décente des actionnaires, et non pas à aller chercher dans je ne sais quel comparateur de prix, le tarif le plus avantageux.

[2]Mais il faut également que les compagnies aériennes arrêtent ce petit jeu de camouflage appelé « Yield Management » qui consiste à afficher un prix toujours plus bas, pour finalement s’arranger à faire payer beaucoup plus cher à leurs clients.

On voit très couramment plusieurs dizaines, voire même plus de cent tarifs différents sur un même vol. Cela n’est pas sérieux.

La communication des compagnies aériennes se fait pour l’essentiel sur des prix d’appel. Ce faisant, les transporteurs mettent les plus bas tarifs dans la tête des consommateurs qui peuvent comprendre que ces derniers couvrent les prix de revient, alors que ce n’est, à l’évidence, pas vrai. Ce faisant, les compagnies aériennes instillent dans l’esprit de leurs consommateurs un comportement d’achat qui peut les ruiner.

[3]Alors maintenant que les compagnies européennes ont bien enregistré que les clients voulaient des prix toujours plus bas, sans d’ailleurs voir qu’elles ont largement contribué à cet état d’esprit, elles se sont toutes lancées dans le modèle « low cost ».

Comme le court courrier est déjà bien occupé par des LCC historiques, elles créent leur « low cost » long courrier alors que pendant des décennies elles ont expliqué que le modèle était impossible. Ainsi Lufthansa avec Eurowings, Air France avec Boost et maintenant IAG avec Level, se lancent dans l’aventure.

Voilà qui n’est pas fait pour stabiliser les relations sociales à l’intérieur des compagnies et qui ne guérira certainement pas les consommateurs de leur schizophrénie.

Jean-Louis Baroux