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Pourquoi Etihad se tourne vers l’Europe

Ca a été un véritable coup de tonnerre dans le Golfe quand Etihad Airways a annoncé le départ de James Hogan, qui avait été nommé pour accélérer le développement de la compagnie à marche forcée. Et c’est d’ailleurs bien ce qu’il a fait. En 10 ans de direction, il a fait passer le transporteur d’Abu Dhabi de 22 à 125 avions, le chiffre d’affaires a atteint 9,2 milliards de dollars et il a enfin commencé à dégager des bénéfices mêmes si ces derniers sont encore très faibles à 102 millions de dollars.

Bref il a créé tout de même un ensemble tout à fait honorable bien qu’il ne représente en chiffre d’affaires qu’entre un quart et un tiers de son homologue de Dubaï : Emirates.

[1]De plus la stratégie d’Etihad a consisté à prendre des participations dans nombre de compagnies aériennes, portant ainsi les couleurs de l’Emirat d’Abu Dhabi en Europe, Afrique et Asie. Ainsi son influence est bien supérieure à sa seule taille.

Même avec des participations minoritaires, elle contrôle la stratégie d’Air Berlin en Allemagne, Eithad Regional (ex Darwin) en Suisse, Air Serbia (ex JAT) en Serbie, Societa Aerea Italiana (ex Alitalia) en Italie, Air Seychelles, Jet Airways en Inde et Virgin Australia.

Bien entendu toutes ces prises de participation et la stratégie de la compagnie ont obtenu le blanc-seing pour ne pas dire plus, du gouvernement de l’Emirat.

D’ailleurs il a bien fallu pour cela disposer des fonds nécessaires, ceux-ci ont été mis par les autorités d’Abu Dhabi, et ils ne sont pas minces : 14,3 milliards de dollars ont été mis à disposition du management pour mener cette stratégie.

Mais voilà, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Certes certaines compagnies ont bien été sérieusement redressées : Air Serbia, Air Seychelles et même Jet Airways, mais cela ne suffit pas à combler les pertes récurrentes des deux gros transporteurs européens : Air Berlin et Alitalia.

[2]Seulement, même si elle voulait se dégager de ces guêpiers, Etihad ne le pourrait pas sauf à déposer le bilan des compagnies malades et passer par pertes et profits tous les investissements déjà réalisés.

Enfin, le soutien financier de la famille Princière est sans doute un peu plus marchandé car la manne pétrolière s’est singulièrement amenuisée au cours des deux dernières années.

De là à imaginer que James Hogan paie le prix de ce qui est pour le moment un échec, il n’y a qu’un pas même si la direction du Groupe Etihad et son actionnariat expliquent que son retrait fait partie d’une stratégie soigneusement décidée depuis 2 ans et préparée avec soin.

Sauf que dans ce cas-là, le remplaçant de James Hogan aurait été désigné alors que la sélection du futur patron du Groupe n’est toujours pas faite.

L’affaire est certainement très compliquée. En fait les acquisitions ont été faites sans que l’on puisse bien discerner une vision très claire, sauf à vouloir afficher un bilan du Groupe aussi important que celui d’Emirates.

Quelle que soit la bonne volonté et la qualité du responsable des participations : Bruno Matheu, ancien dirigeant d’Air France/KLM au plus haut niveau, on voit mal comment ce dernier peut imposer une culture commune à des Allemands, Italiens, Serbes, Indiens, Seychellois, Australiens, voire Suisses. C’est tout simplement mission impossible.

[3]Or les compagnies en difficulté tendent la main auprès de leur actionnaire de référence chaque fois qu’elles ont des difficultés à assurer les fins de mois.

Oh bien sûr les opérations des transporteurs concernés ont été orientées vers le « hub » d’Abu Dhabi, mais le chiffre d’affaires supplémentaire apporté ne justifie pas les efforts économiques qu’il faut consentir pour les maintenir à flot.

Alors que va-t- il se passer ? Je ne suis pas dans le secret des dieux, mais on peut cependant discerner des pistes de réflexion sérieuses.

Il semble que la première priorité consiste à se débarrasser du dossier berlinois. C’est pourquoi un rapprochement important a été entamé avec Lufthansa, seule porte potentielle de sortie.

Ce sera difficile et cela passera par le démantèlement progressif d’Air Berlin, ce qui a d’ailleurs commencé. Cela aura également pour conséquences d’éloigner Etihad Airways d’un possible rapprochement avec Air France/KLM, dont on avait pourtant beaucoup parlé l’année dernière.

Restera à voir comment le dossier italien sera traité une fois l’affaire allemande résolue ou en voie de résolution.

Il faudra beaucoup de doigté au futur CEO du Groupe Etihad pour mener à bien ce qui ressemble tout de même beaucoup à un sérieux changement de stratégie. Pendant un certain temps Etihad Airways sera affaiblie même si elle doit rebondir.

Voilà qui fera bien les affaires des concurrents du Golfe : Emirates et Qatar Airways.

Jean-Louis Baroux