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N’y a t-il pas finalement trop d’ avions dans le ciel ?

Fin 2019, c’est-à-dire au moment où tout allait encore bien pour le transport aérien, il y avait 26.721 appareils en service dans le monde pour transporter quelques 4,5 milliards de passagers. C’est-à-dire que chaque avion emportait 170.000 clients par an. Les deux principaux constructeurs se partageaient la part du lion avec 11.282 Airbus et 11.572 Boeing en service, pénalisé d’ailleurs par les premiers Boeing 737 Max mis au sol à la suite de deux catastrophes liées à la conception de l’appareil.

A la même époque, la croissance estimée du transport aérien était de 5 % par an et encore pour de longues années. On regardait comment il serait possible d’absorber le double de passagers d’ici 12 ans, soit en 2031. Il faut bien garder en tête qu’une progression de 5 % par an cela entrainait 225
millions de passagers supplémentaires en 2020 et 236 millions en 2021, soit tout de même 461 millions de clients nouveaux à transporter en seulement 2 ans.

Or pour absorber cet énorme volume, il fallait rajouter quelques 2.700 nouveaux appareils soit plus de 10 % de la flotte de l’époque.

Toujours au même moment, les constructeurs avaient un portefeuille de commandes de 17.236 avions, c’est assez dire que les compagnies et les fabricants avaient largement anticipé la croissance en sachant qu’ils livraient quelques 2.000 appareils tous les ans. Cela veut dire qu’il sortait des chaines de montage pas moins de 170 appareils par mois soit un peu plus de 5 et demi par jour, y compris les week-ends et les jours fériés.

Les usines et les systèmes d’assemblages étaient et sont toujours dimensionnées pour produire le même nombre d’appareils. Et pour terminer cette
énumération rappelons qu’un avion neuf vaut en moyenne 100 millions de dollars, mais qu’il n’est payé que lorsqu’il est livré à son client, qu’il soit un opérateur ou une société de leasing.

Il y avait bien eu quelques alertes pour signaler que cette course au volume ne pourrait pas durer
éternellement d’autant plus qu’elle était alimentée pour l’essentiel par la baisse continue des prix de
vente à un niveau bien supérieur à la baisse des prix de revient.

Autrement dit la croissance n’enrichissait pas les compagnies aériennes et seule la progression et l’accélération de l’encaissement des ventes, souvent largement avant la réalisation du transport, leur permettait de tenir le coup.

Mais, bon an, mal an, tout le monde hormis les écologistes forcenés se satisfaisait de cette situation et les décisionnaires fermaient les yeux sur les dangers potentiels.

Un an plus tard, la situation a dramatiquement changé. Avec un arrêt brutal du trafic causé par la fermeture des frontières, moins 66 % en Europe, moins 65 % aux USA, moins 46 % en Chine, les transporteurs ont été amenés à mettre au moins 50 % de leur flotte au sol, c’est-à-dire 14.000
appareils au bas mot.

Seulement les commandes fermes qui ont été passées pendant les dernières années, sont maintenant en train d’être livrées car les constructeurs refusent tout simplement les annulations.

Alors que va-t-on faire de tous ces appareils ? Vont-ils sortir des usines pour être directement stockés dans des aéroports spécialisés ? En 2020 alors que le transport aérien est presqu’à l’arrêt, 844 avions ont encore été livrés, représentant une capacité supplémentaire de transport de 143 millions de passagers alors que le trafic a baissé de plus de 2 milliards et demi de consommateurs.

Combien de temps faudra-t-il pour absorber ces milliers de machines si le transport aérien continue à trainer une reprise pour le moins poussive ? Les constructeurs et les transporteurs ne sont pas les seuls impactés, les aéroports le sont également. L’utilisation de leurs installations suit l’évolution du trafic.

Les sociétés de leasing sont aussi soumises aux mêmes contraintes. Beaucoup d’appareils leur étaient destinés, mais elles n’ont plus les clients qui ont d’ailleurs tous demandé les reports d’échéances.

Le transport aérien se trouve dans une situation extrêmement délicate. Il a perdu non seulement une masse colossale d’argent, il a été obligé de se mettre sous la protection des états et même, dans certains continents comme l’Amérique Latine, il est passé sous le régime du dépôt de bilan style « Chapter 11 », c’est-à-dire dans la main des créanciers.

Et, en plus, il a perdu son dynamisme, celui qui portait cette activité vers l’excellence écologique et sécuritaire à défaut d’être économique.

Comment remontera-t-il la pente ? Comment retrouvera-t-il un équilibre entre la production des équipements, l’acheminement des appareils avec un contrôle aérien en pleine mutation et les clients qui, au fond ne demandent qu’à voyager ? Voilà une équation à plusieurs inconnues. Elle devra être résolue par les grands organismes internationaux aux premiers rangs desquels l’OACI et IATA.

Jean-Louis Baroux

P.S., j’emprunte beaucoup de données au cabinet ID Aéro qui fournit chaque mois de très précieuses analyses sur le monde de l’aérien.