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Mais jusqu’où iront les compagnies du Golfe ?

L’information est passée un peu inaperçue, mais Qatar Airways qui détenait déjà 9,9 % du groupe IAG, est montée à 15,01 %. Cela faisait quelque temps que Akbar Al Baker, le CEO de la compagnie avait manifesté son intention de devenir un peu plus influent dans le groupe en prenant une nouvelle tranche de capital. C’est fait.

baroux-1 [1]On peut s’interroger sur la stratégie de la compagnie qui n’hésite pas à débourser des milliards de dollars, rappelons que les premiers 9,9 % ont été achetés 1,15 milliards de Livres, pour acquérir une part très minoritaire de la compagnie britannique. Mais ce n’est peut-être qu’une étape d’une volonté de peser son poids dans le marché européen.

Cela vient sans doute également en appui de la participation de Qatar Airways dans l’alliance OneWorld où elle est entrée en octobre 2013.

La montée en puissance des transporteurs du Golfe est tout de même fascinante. Voilà des compagnies finalement très récentes par rapport aux compagnies historiques européennes. La plus ancienne, Gulf Air, née en 1950 est petit à petit sortie des radars, même si elle essaie de revenir dans la course.

Les vrais acteurs sont les « nouveaux » entrants : Emirates, le premier, a été créé en 1985, Qatar Airways en 1994 et Etihad en 2003. Voilà qui est finalement jeune à l’échelle du transport
aérien. Or en ce petit laps de temps, non seulement les compagnies ont créé de toutes pièces des réseaux internationaux puissants, mais elles se sont imposées par un concept oublié des compagnies occidentales : la qualité.

Oh certes, toutes sont aidées par leurs états. Qatar Airways ne publie pas ses comptes, le dernier résultat d’Etihad Airways est tout de même très modeste : 14,8 millions de $ pour un chiffre d’affaires de près de 8 milliards de $, seule Emirates dégage un profit considérable de 1,9 milliard de $ pour 23,2 milliards de $ de chiffre d’affaires. Sans l’appui très important de leurs gouvernements respectifs, ces compagnies n’auraient pas pu atteindre ces résultats.

Mais au fond, leur influence est très supérieure à leur capacité économique. Elle tient d’abord à leur potentiel de croissance. Non pas que les « hubs » de ces compagnies soient idéalement placés, après tout, les européens le sont tout aussi bien.

Mais la construction en connexions long courrier sur long courrier, le tout appuyé sur une infrastructure aéroportuaire construite sur la demande et des besoins des compagnies nationales, leur donne une capacité de croissance tout simplement illimitée.

A la condition, bien entendu, de détenir les droits de trafic sur lesquels ils pourront développer leur activité.

Et voilà bien le problème. Il faut pénétrer la cuirasse européenne et américaine et puis mettre le pied sur le marché transatlantique, si juteux pour les opérateurs historiques. Or les transporteurs occidentaux ne l’entendent pas de cette oreille et ils feront tout pour que leurs gouvernements empêchent ces intrus de venir jouer dans leur pré carré. Mais ce n’est pas si simple.

En effet les Gouvernements occidentaux doivent prendre en compte les intérêts de leurs transporteurs, mais également ceux des constructeurs d’avions. Et c’est là que le bât blesse.

Les compagnies du Golfe ont en effet placé les plus grosses commandes mondiales auprès d’Airbus et de Boeing. A ce jour 313 appareils ont été commandés à Airbus, et 353 à Boeing, essentiellement des gros porteurs, par les 3 compagnies dont nous parlons. Les sommes en jeu sont tout simplement colossales. Cela vaut bien quelques droits de trafic supplémentaires.

Et puis, il y a les prises de participation dans les compagnies aériennes européennes. On a vu l’entrée en force de Qatar Airways dans IAG, qui, faut-il le rappeler, regroupe British Airways, Iberia, Vueling et plus récemment Aer Lingus.

D’ailleurs le transporteur Qatari ne compte pas s’arrêter là, il a des vues en particulier sur Meridiana. Il ne faut pas non plus oublier la liste impressionnante des participations du groupe Etihad : 29 % d’Air Berlin, 49 % d’Air Serbia, 33,3 % de Darwin Airlines rebaptisée Etihad Regional, et surtout 49 % d’Alitalia, pour ne parler que des entrées dans les compagnies européennes.

Vu de l’extérieur, l’analyse est facile à faire. Toutes ces offensives ont un but certain : entrer en force sur le marché européen qui reste encore très puissant, qui ne demande qu’à se développer en long courrier et qui est pour le moment contrôlé par des transporteurs dont la qualité de service n’est certainement pas la caractéristique dominante.

La bagarre promet d’être rude. Elle le sera certainement au bénéfice final des consommateurs.

Jean-Louis BAROUX