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Les paradoxes du transport aérien

baroux-1 [1]Reconnaissons-le, le transport aérien nous inflige parfois des vérités difficilement compréhensibles.

Essayons d’en décrypter quelques-unes.

Le pétrole est cher c’est très mauvais, le pétrole baisse, c’est encore mauvais.

Voilà un premier paradoxe parmi les plus intéressants. Pendant des années les compagnies aériennes se sont plaintes de l’augmentation considérable du prix du pétrole lequel a tangenté 130 $ le baril.

Pour se défendre de ce renchérissement, les transporteurs ont procédé à deux initiatives. D’abord créer une surcharge carburant ce qui permettait de camoufler le tarif réel des passages en avion.

Cela avait un autre avantage, comme cette surcharge était logée dans une taxe appelée la YQ, elle ne faisait pas l’objet de rémunérations des intermédiaires. Et puis elles se sont protégées des augmentations futures en achetant des couvertures de carburant à un prix que chacune d’entre elles estimait. En fait cela consistait à miser à la hausse ou à la baisse selon le « pif » des responsables financiers. C’est comme jouer au casino et décider de miser sur le rouge ou le noir. Si la bonne couleur sort, c’est parfait et la compagnie peut se croire très maligne, si par contre c’est la mauvaise, cela sera la faute de la conjoncture.

C’est ce qui arrive maintenant.

Personne n’avait vu le cours du pétrole de retourner de la sorte.

Certes à postériori, les experts expliquent doctement les raisons de cette baisse historique : pétrole de schiste, baisse du taux de croissance en Chine, arrivée de l’Iran sur le marché, que sais-je.

Mais alors pourquoi n’ont-ils pas prévenus les compagnies avant ? Or celles-ci ont fait de la protection sur du long terme.

C’est ainsi que Cathay Pacific qui n’est pas le dernier transporteur venu, explique son décevant résultat du premier semestre. La couverture carburant que la compagnie a faite jusqu’en 2019, lui a fait réaliser une perte de 437 millions d’€ rien qu’au premier semestre de 2015.

En fait tous les transporteurs qui ont misé sur un pétrole cher et sur une longue durée, c’est-à-dire la majorité d’entre eux, vont perdre un argent considérable car ils vont continuer à payer leur carburant au prix de leur couverture.

Les gagnants sont ceux qui n’ont pas fait de couverture carburant et qui ont pu ajuster leurs prix de revient au fur et à mesure des fluctuations de celui-ci. Il y en a quelques-uns.

A vouloir être trop malin, cela vous retombe parfois sur le nez.

Le « Yield Management » censé faire gagner de l’argent est une explication aux pertes de certaines compagnies.

C’est en particulier le cas d’Air France/KLM qui explique la perte importante du premier semestre 2015 : 637 millions d’€, excusez du peu, par la baisse de la recette moyenne. Or le groupe dispose d’un service de « Yield Management » très performant, tout au moins aux dires des responsables.

Et c’est vrai que le système produit un remplissage record : plus de 83 %, à la limite supérieur à celui des « low costs », or pourtant la compagnie perd de l’argent, beaucoup.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que la sophistication de l’outil de « Yield Management » sans arrêt perfectionné au cours des 25 dernières années, a finalement donné un résultat économique si médiocre.

Il y a une explication à cela. La centralisation de l’outil tarifaire dans les mains d’ingénieurs qui ne sont jamais sortis de leur bureau soit pour aller voir la concurrence soit pour rencontrer des clients, a déconnecté les tarifs du marché. Aucun responsable de compagnie aérienne sur un marché ne dispose plus de la capacité à influencer les tarifs. C’est à la fois frustrant et improductif.

Qui peut être certain que parfois, voire même souvent, les responsables commerciaux ne seraient pas capables de vendre au-dessus du tarif décidé par le « yield manager » ? A quoi peuvent bien correspondre les 120 tarifs disponibles sur un même vol entre Paris et Papeete ou Paris et La Réunion ? Pourquoi 3 tarifs par classe de service ne seraient-ils pas suffisants ?

Les Alliances c’est le moyen le plus sûr d’améliorer son résultat économique.

Les grandes compagnies y sont toutes passées. Sur les 100 premiers transporteurs mondiaux 47 font partie d’une alliance. Or les deux compagnies les plus rentables Emirates et Southwest Airlines sont justement en dehors de toute alliance. Et à l’intérieur de chacune des trois alliances on trouve à égale proportion des compagnies déficitaires ou profitables.

Le transport aérien est complexe, plein de recherches et de paradoxes. Mais il est construit sur une grande idée : être mondialement sûr. Et cela, il l’a parfaitement réussi.

Jean-Louis Baroux