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Les contradictions d’ Orly

Franck Mereyde le directeur de l’aéroport d’Orly est un homme heureux. Sa plateforme a enfin entamé sa mue pour éviter une lente mais inexorable dégradation. Le plan de rénovation d’Orly est entré dans sa phase de réalisation et les travaux vont s’échelonner au moins jusqu’en 2020, voire 2024. D’ores et déjà ils concernent l’extension du pouce est d’Orly Sud et le module de jonction entre les aérogares Ouest et Sud.

baroux-1 [1]Eh bien d’abord réjouissons-nous que l’aéroport le plus proche de Paris (12 km) et le mieux implanté dans le marché : 60 % des clients du transport aérien parisien logent au sud de la Seine, soit enfin considéré comme un outil majeur du développement de la région parisienne.

Ce n’était pas gagné et de puissants lobbies ont milité pour la fermeture pure et simple de ce formidable outil pour le déplacer au milieu de la Beauce, par exemple. Ce sont sans doute les mêmes qui réclament la fermeture de l’aéroport de Nantes au profit de Notre Dame des Landes.

C’est je crois Alphonse Allais qui proposait tout bonnement de mettre les villes à la campagne !

Orly va également bénéficier à plein des nouvelles infrastructures de transport inscrites dans l’aménagement du Grand Paris. C’est ainsi que deux lignes de métro devraient être raccordées au module central en 2024. Bon c’est très tardif, mais c’est mieux que rien. A ce moment-là, c’est-à-dire

dans 8 ans, Orly sera certainement la plateforme aéroportuaire la plus pratique d’Europe. Et comme le signale Augustin de Romanet de Beaune le PDG d’Aéroports de Paris, ce sera un point de fixation économique puissant dont la région a bien besoin. D’ailleurs ADP fera certainement une excellente affaire financière en transformant une partie de la zone aéroportuaire en forte voie de décrépitude en un quartier d’affaires de 170.000 m², excusez du peu, appelé Cœur d’Orly.

Bref tout va pour le mieux sauf qu’il y a une contradiction majeure à résoudre : la gestion du trafic aérien.

Depuis l’arrêté ministériel pris par Bernard Bosson le 6 octobre 1994, sous la forte pression du PDG d’Air France de l’époque Christian Blanc, le nombre de créneaux disponibles à Orly est limité à 250.000 par an dans le but de n’avoir que 200.000 mouvements réels. Bref, on a administrativement organisé la pénurie, ou si vous préférez, le rationnement. Car techniquement Orly peut accueillir 76 mouvements à l’heure ce qui permet de traiter entre 06h00 du matin et 23h00 le soir plus de 470.000 mouvements par an, soit plus du double que ce qui est actuellement autorisé.

Or, on est arrivé à la saturation « administrative » de la plateforme et Eric Herbane, le responsable du COHOR, qui est chargé d’attribuer les créneaux disponibles, s’arrache les cheveux car il n’a plus rien à donner alors que les demandes sont croissantes.

Donc, d’un côté on a une infrastructure qui ne demande qu’à se développer ce qui donnera un coup de fouet sérieux à l’économie locale entrainant massivement de nouveaux emplois, ce dont tout le monde a bien besoin, et d’un autre une réglementation artificielle et archaïque qui date tout de même de 22 ans et qui bloque toute croissance. Comment résoudre cette contradiction ?

Pour ce faire, il faut délibérément sortir du cadre dans lequel l’arrêté a été pris. A cette époque, Air France était en pleine restructuration et en forte reconfiguration de son modèle d’exploitation.

Rappelons-nous c’était la création du « hub » de Roissy qui a assuré sa prospérité pendant des années, même si ne n’est plus le cas maintenant. Il était alors de la première urgence d’empêcher les concurrents de s’implanter à Orly ce qui aurait pu détourner un fort trafic vers d’autres aéroports. Or c’était justement le projet de British Airways. Le plafonnement des capacités a mis fin aux velléités de la compagnie britannique.

Par la suite, d’ailleurs le maintien de ce couvercle a été bien utile pour empêcher les « low costs » de développer un réseau européen compétitif en particulier quant à la qualité des horaires, ce dont Air France ne veut pas entendre parler. Enfin rappelons que les appareils utilisés à l’époque étaient infiniment plus bruyants que les avions actuels.

En conséquence, les riverains d’Orly sont doublement pénalisés. Ils ont perdu au profit de la zone de Roissy un grand nombre d’emplois qui se sont délocalisés au nord de Paris et ils reçoivent les appareils des anciennes générations, qui ne sont pas limités par les quotas de bruit, comme c’est le cas à Roissy.

Pour sortir de cette double peine pour les riverains et permettre enfin à cet aéroport d’avoir un destin digne de ses possibilités, il n’y a qu’une solution et elle est bien connue des professionnels y compris de l’ACNUSA (Autorité de Contrôle des Nuisances Aéroportuaires) : c’est gérer Orly, comme Roissy sur la base des quotas de bruit et non de mouvements. Mais cela ne se fera que lorsque Air France fera savoir qu’elle ne s’y oppose pas…

Jean-Louis BAROUX