Le petit théâtre d’Air France, par Bertrand Figuier

17 septembre 2014   Rédaction   Aucun commentaire   Transport    Air France, Assises, greve    3387 vues

Vous savez quels sont les deux métiers les plus exercés en France ?

Sélectionneur des Bleus, avec un pic d’intensité à la veille d’une Coupe du monde ; et patron d’Air France, surtout quand la compagnie nationale est en grève.

Alors évidemment, vous imaginez le tintamarre des commentaires lorsque les pilotes se lancent dans un énième mouvement social… ça fuse de partout, avec autant de noms d’oiseaux qu’il y a d’employés chez le transporteur.

Le petit théâtre dure depuis plus de 20 ans et le dernier acte n’est toujours pas à l’horizon.

À croire que le problème est insoluble ou bien qu’il fait partie des mœurs, comme la bagarre et le banquet indispensables à tout bon album d’Astérix.

Pourtant, Air France n’est qu’une entreprise, avec une stratégie, un commandement et des employés, tous nécessaires à son activité et tous tendus vers la réalisation de ses objectifs… !

Du moins, normalement.

Parce sur tous ces points, le quidam néophyte, celui qui travaille pour une entreprise normale, a de quoi rester légèrement sceptique.

En dehors de la volonté de monter en gamme sur le long courrier, on s’y perd un peu, il faut bien le dire, tant la stratégie, le commandement et les employés se télescopent, se contredisent et s’entravent mutuellement.

Que l’un des trois évoque une option et l’autre aussitôt se dresse devant lui pour l’empêcher d’aller plus loin.

Comme si l’esprit, la parole et la volonté de l’entreprise n’avaient plus la moindre unité, plus la même horloge biologique.

À priori, c’est la caractéristique d’un corps mort ! Ou, au moins, le préambule d’un divorce sans retour…

Et pourtant les employés ne démissionnent pas en masse, le patron ne rend pas non plus son tablier ; la compagnie vit encore.

Air France perd de l’argent, bien sûr, mais elle vole toujours et pour les millions de passagers qu’elle transporte chaque année, elle fait toujours partie des grandes compagnies du monde.

Il faut croire que rien n’est perdu, que seul une incompréhension, un déficit de communication mystérieux mais pas insurmontable, empêche les hommes de réfléchir, de travailler et de réussir ensemble.

Dans les couples, en général, les ingérences extérieures, même les mieux intentionnées, ne font qu’aggraver les choses avant de récolter l’amertume des deux camps.

Pourtant, il faut bien s’y résigner ; Air France est quand même une affaire nationale, et nous ne pouvons pas nous résigner à voir tant de gens s’agiter douloureusement sans perspective de salut.

Il est donc temps de convoquer les États Généraux de la compagnie, de tenir enfin les « Premières Assises Nationales » d’Air France en présence, bien sûr, de M. Fabius, ministre du Tourisme, puisque la compagnie entend se développer sur le marché du loisir.

C’est sans doute la seule manière de donner une vraie légitimité au commandement, d’entendre le projet stratégique global que des syndicats écrasés par tant revendications légitimes n’ont pas encore eu le temps de présenter publiquement, d’élaborer un management nouveau et de définir enfin dans la concertation la stratégie de la victoire.

Seules des Assises pourront réinstaller la confiance et l’harmonie dans l’entreprise, au bénéfice de tous, actionnaires, employés et passagers.

Pour le financement, amis contribuables, nous vous inquiétez pas, j’ai déjà une longue liste de sponsors : rien que des spécialistes du transport aérien !

Bertrand Figuier