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La maladie de la grève

Une fois encore, voilà la France plongée dans l’un de ses exercices favoris : la grève. Bien entendu, elle touche les transports, ce qui est la meilleure manière, selon les syndicats, de faire plier les directions des sociétés, en l’occurrence Air France et la SNCF. Je ne prétends pas connaitre la situation du réseau ferré et je m’abstiendrai donc de tout commentaire sur le sujet. Par contre, qu’il me soit permis d’exprimer une opinion pour ce qui concerne le transport aérien.

[1]Il y a un mythe : les bons résultats d’Air France doivent profiter d’abord aux salariés, tout comme, du temps où Lionel Jospin était à Matignon, la pseudo cagnotte devait être redistribuée aux Français. Et il y a une réalité : Air France, bien que sur la voie du redressement, est encore terriblement fragilisée par rapport à ses concurrents et la direction considère ne pas pouvoir obérer les améliorations engrangées l’année dernière.
Allons tout de suite à la conclusion : je partage tout à fait le point de vue de la direction, et voilà pourquoi :

Parlons d’abord des résultats de 2017. Le compte d’exploitation est en nette amélioration, c’est un fait. Mais le résultat net est encore négatif de 275 millions d’€ ce qui n’est tout de même pas une paille. Cette perte est due à l’apurement du compte retraites de KLM. Pour une fois, les difficultés sont venues du côté néerlandais, mais rappelons cependant que la compagnie batave contribue aux 2/3 au résultat d’exploitation alors qu’elle ne représente que 1/3 de l’exploitation.

Tout compte fait, on ne voit pas ce qu’il y aurait à distribuer à partir d’un résultat net négatif. Et tant qu’à faire, rappelons que le cumul des résultats nets du groupe depuis 2009 soit au cours des 9 dernières années, ressort à une perte de 5,722 milliards d’€. Vraiment on ne voit alors pas les raisons qui pousseraient à accroître les dépenses.

[2]Je note d’ailleurs qu’en dépit des annonces syndicales sur le blocage des salaires, la masse salariale continue d’augmenter même si le nombre de salariés diminue. Le coût annuel par salarié est passé de 89.029 € en 2016 à 91.305 € en 2017 soit 2,56 % d’augmentation. Certes tout n’est pas réparti égalitairement, mais les faits sont là.

Et les perspectives de 2018 du Groupe ne sont pas si brillantes que cela. Tout d’abord il ne faudra plus compter sur le cours du pétrole pour faire baisser les charges.

Il est plus que probable que celui-ci se situe aux alentours de 70$ le baril contre moins de 60$ au cours des 3 années précédentes.

Et puis l’attaque des « low costs » long-courriers va sérieusement se faire sentir sur des axes jusqu’alors très profitables. Cela aura pour conséquence évidente une baisse de la recette unitaire. Et pendant ce temps la compagnie doit impérativement poursuivre la mise à niveau de son produit.

[3]Beaucoup d’appareils n’ont toujours pas été remis au nouveau standard et de nouveaux avions doivent entrer en service pour, au moins, remplacer les anciens dont la compétitivité économique n’est plus de niveau.

Enfin, la compagnie est déjà très sérieusement affaiblie par les grèves passées et à venir. Je souhaiterais que les meneurs se posent simplement la question suivante : s’ils devaient acheter leur billet pour les vacances d’été prochaines, le feraient-ils sur Air France ou n’iraient-ils pas vers la concurrence, ne serait-ce que pour assurer leur départ ? Or les grèves annoncées arrivent justement au moment où les français prennent leurs décisions pour l’organisation de leurs congés.

Seulement qui d’entre les responsables syndicaux a déjà payé de sa poche un transport aérien ? Et si oui n’ont-ils pas privilégié les « low costs », comme le font d’ailleurs les employés de IATA alors que ces derniers représentent justement leurs ennemis ?

[4]Il parait que les grèves coûtent de 20 à 25 millions d’€ par jour et le raisonnement fallacieux des grévistes consiste à dire que 10 jours de grève paient les augmentations qu’ils réclament.

Alors supposons que la Direction leur donne satisfaction, qu’est-ce qui les empêchera alors de remettre le
couvert disons une fois par an ? Et au total cela confortera-t- il l’entreprise ?

Dernière petite question : que proposent les syndicats en échange des demandes d’augmentation de leur rémunération ? Après tout s’ils mettaient sur la table une vraie amélioration de la productivité, en clair plus de temps de travail contre plus d’argent, la Direction pourrait peut-être examiner le sujet. Mais je n’ai rien vu dans ce sens.

Espérons simplement que, comme cela s’est produit hélas très souvent par le passé, le Gouvernement ne fera pas pression sur la Direction de l’entreprise pour qu’elle donne finalement satisfaction à ceux qui n’hésitent pas à miser sur le déclin de la société qui les fait vivre.

Jean-Louis Baroux