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« La destination, c’est secondaire ! » Et alors ?

L’autre soir, dans un lieu prestigieux de Paris, à l’occasion d’une soirée organisée par un hôtelier prestigieux, les propos d’un invité m’ont frappé. Ce monsieur, à la tête d’une agence événementielle conséquente et professionnel chevronné, expliquait à son interlocuteur que « pour les clients, la destination est devenue secondaire ; ce qu’il veut savoir avant tout, c’est ce qu’il fera. »

bertrand Figuier [1]Bigre ! La destination, le client s’en fout du moment qu’il fait ce qui lui plait ! ?

Diable, Grâce aux grands pros du marketing, je savais déjà qu’il fallait parler d’« expérience » aux clients pour lui vendre un produit, Voilà maintenant qu’il lui faut une vraie activité, pas juste une ambiance.

Si je comprends bien, le client ne se contente plus d’un séjour culturel, par exemple, il veut pratiquer une activité culturelle. L’un n’empêche pas l’autre, évidemment, mais visiter une exposition et suivre un cours de peinture, ce n’est pas du tout la même chose, même si cela peut se combiner.

Du coup, la 1ère question à poser au client n’est plus « où voulez-vous aller ? » mais « que voulez-vous faire » ; un vrai changement de « paradigme », comme disent aujourd’hui les intellectuels, surtout qu’il faut aussitôt s’enquérir de son niveau, néophyte, initié ou confirmé, dans l’activité choisie.

D’accord, admettons. Mais ça suppose que, si le client veut faire du cheval, de la pâtisserie de la mécanique ou quoi que ce soit d’autre, le professionnel doit avoir des propositions à lui faire : un haras, un garage ou une pâtisserie, qui vendent ce genre de prestations aux individuels comme aux groupes.

Bon. C’est vrai que la technologie actuelle pourrait faciliter la réponse des pros à ce genre de demande tout à fait personnelle. Surtout que le transport et l’hébergement, même si cela doit être organisé, ne sont plus indispensables, en particulier lorsque le client peut être tout à fait satisfait à côté de chez lui.

Mais là, subitement, je m’interroge quand même, car il n’y a pas encore beaucoup de haras qui dispose d’hébergements… sans parler des pâtisseries ou des garages. Les Spas, c’est vrai, se sont déjà adaptés à cette évolution du marché, notamment ceux qui sont attachés à un hôtel. En revanche pour le reste… j’ai un doute.

L’honnêteté m’oblige à dire pourtant que tout ça peut changer très vite.

Un peu partout en France, par exemple, il y a des hébergements, hôtels ou gîtes, qui ne demandent pas mieux. De même qu’en province, quel que soit le « bled » paumé où se trouve le prestataire adéquat, les taxis, les loueurs de voitures et les TER ne sont pas fait pour les chiens ; eux aussi, à priori, ne demandent qu’à servir.

Du business, ça doit rarement se refuser du côté de Saint Côme, Aveyron, 12.

Je ne crois pas qu’en Espagne, en Italie ou ailleurs, on pense très différemment…avec autant d’opportunités qu’en France à priori.

Mais creusons encore un peu le sujet. Dire que l’activité passe avant la destination, ça implique illico que le professionnel compte parmi ses fournisseurs autant de prestataires spécialisés que le client peut avoir d’envies…

En conséquence de quoi, le « généraliste » propose non plus un maximum de destinations, mais un maximum d’activités, du spa jusqu’au garage, en s’appuyant sur un réseau large de prestataires qualifiés.

De même que le « spécialiste » concentre son offre, non plus sur une destination unique, mais sur une seule activité, et dans toutes ses déclinaisons : le surf, par exemple et ses variations diverses, kitesurfe et autres…

En ce cas, il serait temps pour certains TO de revoir complètement leur positionnement. Celui qui, par exemple, programme pléthore des destinations est-il encore un généraliste alors qu’il ne vend que du balnéaire ou que du circuit ?

Mais poursuivons notre réflexion avec la plus value et à la concurrence. Si l’activité est au cœur du produit, elles se jouent uniquement sur la qualité de la pratique proposée ; le transport et le service comptent encore sans doute, mais comme auxiliaires plus ou moins efficaces de l’activité ; du bon matériel, par exemple, une bonne organisation…

De ce point de vue, je connais peu d’agents de voyage capables de conseiller un client sur le séjour de peinture, de Jujitsu ou de pilotage qui lui conviendrait.

Pour le conseil, ce n’est pas encore ça…

Enfin, cette petite phrase peut aussi avoir un impact sur la tarification, sur la rémunération des acteurs, voire sur toute la chaîne de valeur… Quand l’hôtel et l’avion sont indispensables au produit, par exemple, il faut forcément travailler en fonction de leurs contraintes et de leurs coûts opérationnels. Cela veut dire stock, allotement, risques…

Pour s’en sortir, il faut du volume.

Mais quant c’est l’activité qui compte avant tout, ce serait plutôt la dispersion et la qualité d’une offre réellement adaptée à la demande qui imposeraient d’autres contraintes, d’autres coûts, d’autres risques. Là, pour survivre, il faut de la technologie.

Ça tombe bien, le secteur dispose à priori des outils technologiques nécessaires pour proposer n’importe quelle activité loisirs, quelle que soit la destination ; d’où d’ailleurs le développement de l’offre dépackagée, à la carte ou sur mesure, presque au prix du forfait.

Ça n’empêche qu’il faudrait repenser toute la chaîne de valeur pour y intégrer ces prestataires diverses et variés en qualifiant leur offre, du mass market jusqu’au luxe.

Un long chemin certainement…

Pourtant, il faut bien reconnaître que les coffrets cadeaux nous montrent que le concept « une activité un produit » est déjà bien dans la tête des clients ; on y trouve des cours de cuisine, de pâtisserie, de pilotage, de vol à voile, de plongée… Pourquoi pas la mécanique, l’ornithologie, la chasse aux papillons ou la lune ?

Leur modèle économique a fini par se stabiliser, l’offre s’est beaucoup répandue, sa vente semble désormais sécurisée, presque banalisée, et les produits ne cessent de se diversifier pour s’adapter à l’imagination sans bornes des consommateurs.

Est-ce à dire pour autant que les « babas » post soixante-huitards, avec leurs stages de poterie, de vannerie, de yoga ou de peinture, étaient des précurseurs ?

Doit-on penser aussi que les TO de « niches » comme Explorator, ou que des associations comme l’UCPA pourraient être l’avant garde du tourisme de demain ?

Je n’irais sans doute pas jusque là mais je constate quand même qu’on voit émerger un peu partout des prestataires efficaces et rentables pour toute sorte d’activités.

À Paris, par exemple, il y a « 4 roues sous un parapluie » ou bien « Le petit marin d’eau douce ». Je suis sûr qu’il y en autant en Province et à l’étranger, en Europe ou ailleurs.

Alors je me dis que sous cette petite phrase anodine, il y a peut-être une piste de réflexion aussi bien pour le réceptif que pour l’export.

À vous entendre…

Bertrand Figuier