La Chronique de JLB : L’étrange stratégie de IAG


 » Pour ceux qui ne seraient pas encore familiers de ce sigle, IAG (International Airlines Group) est la résultante de la fusion entre British Airways et d’Iberia, la majorité étant contrôlée par British Airways et donc par son CEO : Mr Willie Walsh (notre photo).

Formé en janvier 2011, le groupe représente le sixième opérateur aérien dans le monde avec plus de 50 millions de passagers, 398 appareils et plus de 200 destinations opérées par l’une des 9 compagnies du groupe : 6 anglaises et 3 espagnoles. Voilà qui est impressionnant.
Pour le moment tout le monde se frotte les mains devant les résultats et surtout les inévitables synergies. C’est à qui se réjouira le plus du contrôle complet du marché transatlantique, le nord étant traité par British Airways et le sud la chasse gardée d’Iberia. Cela fait assez largement penser aux premières phases du rapprochement entre Air France et KLM. Mais la situation est-elle si rose que cela ?

Certes les résultats du 3ème trimestre de 2012 sont plutôt bons avec un profit d’exploitation de 331 millions de dollars et un résultat net de 254 millions de dollars.
Mais enfin, cela ne représente que 4 % du chiffre d’affaires et d’ailleurs le résultat net de IAG est inférieur à celui d’Air France/KLM pour la même période qui se monte à 385 millions de dollars. Seulement le résultat est parfaitement déséquilibré. Si British Airways gagne substantiellement de l’argent, Iberia en perd quant à elle à flots : 262 millions d’euros pendant les 9 premiers mois de 2012. Et les liquidités ont fondu de plus de 900 millions d’euros en 4 ans. Autant dire que la situation d’Iberia est parfaitement intenable.
Seulement voilà, comment faire pour rétablir les équilibres économiques ?
A priori, la pression de Willie Walsh est brutale et conduit le transporteur espagnol à se séparer de 4 500 salariés, à diminuer son offre de 15 % et à geler les salaires.
Ce n’est après tout que ce qui a été fait par British Airways il y a quelques années sous l’impulsion du charismatique Rod Eddington. Nul doute que la pilule va être particulièrement difficile à avaler, d’autant plus que pendant le même temps la compagnie britannique n’envisage pas de poursuivre sa cure d’amaigrissement, bien au contraire. Elle vient d’acquérir BMI qu’elle avait en son temps laissé filer dans les bras de Lufthansa.
Jusque-là donc, rien que des remèdes classiques, fussent-ils de cheval. Mais on peut s’interroger sur les raisons qui poussent le groupe IAG à racheter la totalité de la compagnie Vueling dont Iberia détient pour le moment 48,5 %.

Certes l’offre de 113 millions d’euros pour les 51,15 % restants n’est pas inintéressante, mais que va apporter une Vueling intégrée dans le groupe ?
Cette compagnie est parfaitement gérée par un management de grande qualité composé d’ailleurs d’une équipe internationale et elle possède une vision claire de ce qu’elle doit faire dans les prochaines années. C’est ce qui fait son succès auprès des clients et des actionnaires en passant.
Croit-on sincèrement que dépendant à 100 % du groupe IAG la direction actuelle de Vueling, si elle veut bien rester, gardera son autonomie de gestion ?
Les affirmations péremptoires de Willie Walsh qui affirme que jamais Vueling ne se retrouvera sous la coupe d’Iberia ne peuvent être crues par personne et certainement pas par la compagnie catalane.

Et si par extraordinaire l’indépendance de la compagnie était préservée, quel est alors l’intérêt de l’intégrer dans le groupe ?
D’autant plus qu’Iberia a déjà créé sa compagnie « low cost » : Iberia Express dont d’ailleurs on aimerait bien connaître les résultats.
Je vois dans cette stratégie l’application de la pensée unique du transport aérien traditionnel. Les responsables veulent à toute force conquérir les parts de marché du voisin alors qu’ils seraient sans doute bien inspirés de se borner à gérer la croissance naturelle du transport aérien et à s’occuper de l’intérieur de leurs entreprises plutôt que d’aller chercher qui ils pourraient digérer dans leur environnement.

Ce n’est pas parce qu’on a quelques millions de passagers, quelques milliers de salariés, quelques dizaines d’avions de plus que ses voisins que l’on est meilleur. Nous avons de nombreuses fois mis l’accent sur les difficultés qu’il y avait à gérer des ensembles disparates dans des cultures différentes.
Une fois les premières synergies passées, celles qui consistent à maximiser les programmes d’exploitation, ce qui d’ailleurs peut largement se faire sans intégration, il ne reste plus que les difficultés et des charges supplémentaires pour harmoniser les procédures et les systèmes de gestion.
La gouvernance du groupe IAG était déjà particulièrement ardue, elle ne sera certainement pas simplifiée par cette stratégie ».
Jean-Louis Baroux





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