- LaQuotidienne.fr - https://www.laquotidienne.fr -

Hop ! Air France ou la faillite des syndicats

C’est l’histoire d’une bonne idée gâchée. C’est également celle de la relation difficile entre la grande compagnie Air France et les petites compagnies régionales. Rappelons un peu l’historique. Il faut pour cela revenir aux années 1970. A cette époque, Air Inter s’était fortement installée sur le marché domestique français en desservant les lignes principales qu’elle avait créées au cours de la décennie précédente.

Petit à petit elle s’était équipée d’une flotte moderne composée essentiellement de jets du type Caravelle, Mercure puis par la suite d’Airbus 300 équipés faut-il le rappeler de 314 sièges.

Mais les lignes de moindre trafic étaient réservées aux transporteurs dits alors de troisième niveau, en clair ils étaient limités à des appareils de moins de 100 sièges. Alors on a assisté à une floraison de petites compagnies régionales dont certaines n’ont eu qu’une vie très limitée.

Air Alpes, Air Alsace, TAT, Air Anjou Transport, Uni Air Rouergue, Air Littoral, CAL, Brit Air, Air Vendée, Air Exel, Flandre Air, Airlec, Air Transport Pyrénées, et j’en oublie certainement quelques-unes. Elles ont vaillamment
défriché le marché aérien des petites dessertes et permis un fort désenclavement des villes petites et moyennes.

La consolidation a commencé au début des années 1980. TAT a d’abord racheté Air Alpes puis petit a petit nombre de petites compagnies pour devenir un transporteur respectable. Deux autres ont connu un développement important : Brit Air et Air Littoral. Et finalement en 1992, Air Vendée, détenue par le groupe Dubreuil a regroupé au sein de Regional, Air Exel, Airlec et Air Transport Pyrénées. Au début des années 1990, le paysage s’était nettement éclairci.

C’est alors qu’est intervenue une deuxième consolidation. La nouvelle direction d’Air France ne supportant pas le développement d’Air Inter qui commençait à avoir des vues européennes, a racheté UTA qui détenait 33 % des actions d’Air Inter ce qui donnait à la compagnie nationale la majorité des 2/3 de son capital.

Bien entendu il était hautement proclamé que le transporteur domestique garderait sa totale indépendance, laquelle s’est terminée au bout de 2 ans par l’intégration d’Air Inter dans Air France.

Dans le même temps, la libre concurrence aérienne européenne s’était mise en place dès 1992.

Les créneaux horaires détenus par les compagnies à Orly en particulier sont devenus un enjeu majeur. Or TAT en détenait un nombre important, ce qui a attiré la convoitise de British Airways au moment où Air France connaissait de grandes difficultés. Il fallait faire échouer la manœuvre. Pour ce faire le Gouvernement Français a décrété la fameuse limitation des mouvements à Orly à hauteur de 250.000 par an, limitation d’ailleurs toujours en vigueur, hélas !

Le redressement d’Air France à partir de 1995 lui a donné de nouvelles ambitions sur le territoire métropolitain. Air Inter ayant été absorbée, il restait Régional, Brit Air et Air Littoral, cette dernière ayant fait un rapprochement avec AOM et le Swissair Groupe.

Il restait à racheter Régional, fusionnée pour l’occasion avec Protéus et Flandre Air puis Brit Air. C’était chose faite entre 2000 et 2001, à la grande satisfaction, faut-il le dire, des propriétaires des dites compagnies, dont les résultats étaient peu satisfaisants.

C’est alors que la vraie dérive a commencé. Les salariés de ces entreprises se sont tout à coup sentis protégés par le parapluie de la grande maison et les revendications ont commencé à pleuvoir.

Chaque compagnie avait ses propres syndicats et chacun d’entre eux tentait de tirer un maximum d’avantages. Après tout ils étaient là pour cela. Sauf que la dérive des coûts est, à la longue, devenue très pesante, d’autant plus qu’à partir de 2010, les résultats d’Air France/KLM ont commencé à se dégrader sérieusement.

Pour tenter de trouver une solution, la décision a été prise de fusionner Régional Airlines et Brit Air, auxquelles on a rajouté Airlinair alors indépendante et qui était la seule encore profitable. Et c’est ainsi qu’en 2013 HOP ! a vu le jour en tant que marque et société holding, alors que les filiales restaient opérationnelles. Pour tout dire le montage a été fait pour éviter les remous sociaux qui sont monnaie courante dans le groupe et dont tout le monde a peur.

Alors qu’il aurait été plus simple de fusionner les 3 transporteurs sous une marque Air France, du style Air France Express, les dirigeants ont préféré garder les sociétés ce qui a conduit à des réclamations syndicales d’autant plus fortes que la proximité avec le transporteur national entrainait des porosités entre les personnels, chacun voulant les avantages des autres.

Et l’affaire est devenue ingouvernable. Alors on assiste à la fin programmée de HOP et les personnels qui resteront devront rejoindre la maison mère en perdant les avantages qu’ils avaient pu arracher, ce qui est particulièrement vrai pour les pilotes lesquels devront perdre leur ancienneté et rejoindre Air France au bas de l’échelle.

Voilà les résultats d’une attitude des syndicats, qui au lieu de conforter les entreprises dans lesquelles ils ont travaillé, n’ont eu de cesse de chercher des avantages personnels au détriment de la survie des sociétés qui les faisaient vivre.

Jean-Louis Baroux