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Faillite de Germania, quelles leçons en tirer ?

Le 5 février 2019, la compagnie allemande Germania s’est déclarée en faillite et a cessé ses opérations. Cette compagnie a tout de même une assez longue histoire puisqu’elle a débuté ses opérations sous le nom de SAT en avril 1978. En 1986 après une première réorganisation, elle prend le nom de Germania et travaille essentiellement en sous-traitance pour le groupe TUI.

A partir de 2003 elle passe à la distribution directe et se transforme en une compagnie « low cost ». Au printemps 2015, elle commande 25 Airbus 320 Neo. Ce petit historique pour montrer que les clients pouvaient raisonnablement avoir confiance dans le futur de ce transporteur.

Sauf que la direction et son président Karsten Balke en particulier auraient pu tout de même prendre certaines précautions avant d’accepter de vendre des billets sans pouvoir être certain de transporter les passagers. Car il y avait quelques sérieuses alertes. Entre 2013 et 2016, derniers comptes publiés, la compagnie a perdu régulièrement de l’argent, au total plus de 52 millions d’euros cumulés.

Or la seule explication donnée par Karsten Balke a été l’allusion à des événements imprévisibles : la hausse
du pétrole et la fluctuation du dollar. Et en guise d’excuses auprès de ses clients : « Nous regrettons beaucoup… ».

C’est tout de même un peu court. La première conséquence pour les clients qui ont acheté des vols secs, et ils doivent représenter la grande majorité, sera d’encadrer les billets en question en sachant qu’ils n’ont plus aucune valeur.

Les malheureux n’ont aucune chance de récupérer leur argent. Pour les autres, ceux qui ont acheté des « packages », la compagnie a la grande délicatesse de les renvoyer vers leur agence de voyages qui devra les indemniser, sauf que cette dernière devra le faire à ses frais, à moins qu’elle n’ait une assurance du type de l’APST. Mais à ma connaissance, une telle organisation n’existe pas en Allemagne.

Bref tout cela montre une fois de plus avec quelle désinvolture les compagnies aériennes traitent leurs clients et leurs distributeurs. Alors que IATA réclame d’importantes garanties pour valider une agence de voyages au BSP, elle n’a jamais mis en place un dispositif apte à gérer les catastrophiques dépôts de bilan des compagnies aériennes.

Certes Germania n’était pas membre de IATA, mais est-ce une raison pour se désintéresser de la fiabilité économique du transport aérien ?

Oh bien sûr des études ont été faites pour organiser la protection des passagers en cas de défaillance des compagnies aériennes.
Le coût d’une telle protection a d’ailleurs été chiffré : 0,50 dollar par passager transporté.

C’était, si je ne m’abuse, du temps de Tony Tyler. Il ne restait plus qu’à mettre le dispositif en place. Eh bien les compagnies ont refusé.

En fait, je devrai dire les grands transporteurs et en particulier les américains menés alors par American Airlines, ont refusé avec indignation.

Comment pouvait-on mettre en cause leur pérennité ? En réalité ils n’avaient aucune intention de payer pour les « petits » transporteurs.

Faut-il cependant avoir la cruauté de rappeler que tous les grands groupes américains : Delta Air Lines, United Airlines et American Airlines, en particulier, sont tous passés par la procédure de dépôt de bilan à l’américaine : le Chapter 11. Or ce dispositif n’existe pas en Europe.

Pour tout dire, cette différence de traitement entre les distributeurs qui souhaitent utiliser les produits dont IATA a le monopole sauf aux USA et très accessoirement en Russie et le laxisme accordé aux compagnies aériennes, devient tout simplement insupportable. La conséquence sera inéluctablement que les législateurs européens vont s’emparer du dossier et ils auront certainement la main lourde.

Les compagnies devraient bien se rappeler comment la réglementation européenne concernant le surbooking ou les retards d’avion les a impactés.

Elles crient toutes que les pénalités sont trop importantes et c’est probablement vrai. Seulement elles auraient mieux fait de traiter elles-mêmes le problème avant que la Commission Européenne ne s’en empare.

L’affaire de Germania vient après celle de Primera Air et avant d’autres sans doute. A force de n’avoir pour stratégie que l’affichage du prix le plus bas, les transporteurs finissent par oublier leur prix de revient et ils invoquent la volatilité du prix du pétrole comme si ce dernier n’était pas une composante essentielle de leurs charges.

Les excuses de Mr Karsten Balke sont peut-être les dernières entendues avant que la dureté de la législation européenne ne se mette à frapper. Et ce ne serait que justice.

Jean-Louis Baroux