État des lieux du tourisme : L’union de tous les métiers suffira-t-elle ?


bertrand FiguierJ’ai tout de suite été intéressé par le cycle de 3 conférences organisé par le SKÅL, le SNAV et l’APST, dont la première s’est déroulée mardi soir dernier dans les salons de l’Hôtel Méridien Étoile sur un thème à priori très séduisant : « l’État des lieux du tourisme ; l’union fait la force ».

Par les temps qui courent, où tout change si vite, l’initiative était des plus louables et réfléchir à l’avenir du secteur est toujours une bonne chose.

Sans aucun doute, le diagnostic en 6 points dressé d’emblée par Jean-Pierre Mas m’a paru sans concession, et donc très alléchant.

De la désintermédiation jusqu’à l’économie collaborative, en passant par le numérique et l’arrivée de
nouveaux entrants très puissants, chacun des facteurs de «bouleversements » avancés par le Pdt du SNAV est réel, vrai, et suffisamment connu pour qu’on ne vienne pas chipoter sur des détails.

Tout comme est absolument nécessaire l’unité politique de l’ensemble des métiers du tourisme, au sens large du terme.

Comment ne pas vouloir que ce secteur pèse enfin le poids politique que lui confère son importance économique ? Comment ne pas soutenir toutes les actions qui vont dans ce sens, quand le tourisme représente au moins 2,5 M d’emplois et 160 mds € de volume d’affaires ?

À cet égard, on ne peut qu’être d’accord aussi avec Jean-Pierre Mas, quand il souligne l’urgence de cette unité professionnelle. Nous sommes effectivement dans « un temps court » et le plus tôt les représentants institutionnels des métiers du tourisme seront statutairement unis, le mieux ce sera.

Qu’un premier cercle, strictement immatriculé, le soit au printemps 2016, avant ou après, importe peu.

De même que l’élargissement de l’union au 2ème et 3ème cercle des métiers du tourisme, hôteliers, aériens, loueurs, assureurs… soit réalisé en 2017, avant ou après…

L’important, c’est que cela se fasse ; car cela devrait déjà être fait depuis longtemps.

Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire ; tout le monde en convient et ça devrait mettre un terme aux éventuelles polémiques qui pourraient gêner le processus ouvert avec le communiqué de presse publié en commun par le SNAV et le SETO, au début du mois de juillet.

Pourtant, qu’on me pardonne, mais en sortant de la conférence, je suis resté un peu sur ma faim. Il me semble en effet que l’avenir des professionnels du tourisme ne dépend pas seulement de réformes institutionnelles.

À quoi peut servir une « union », qu’elle soit fédérale ou confédérale, si les professionnels perdent toujours plus le contrôle des flux d’argent et de clients ?

Qui profitera alors du poids politique des Mds€ ? « L’union » ou ceux qui les maîtriseront ?

Les Chinois, par exemple, eux qui viennent justement de créer l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), pour drainer l’argent vers la Chine et imposer un nouvel ordre financier en créant une monnaie commune basée sur le Yuan.

Même si la France, la Grande Bretagne, l’Italie et l’Allemagne ont opportunément pris le train en marche, les Chinois contrôlent 50 % du capital de cette nouvelle institution financière internationale et leurs différents investissements actuels, en France notamment, montrent assez crûment qu’ils savent déjà quoi faire de l’argent récolté.

À moins que ce soit les Uber, Airbnb, Blablacar et consorts qui en profitent ?

Eux qui capturent une clientèle toujours plus de vaste et détruisent autant d’emplois qu’ils ont de « visiteurs/utilisateurs/clients/employés », le tout en évitant les coûts fiscaux et sociaux…

Avec plus de 20 M « d’adeptes », la valorisation boursière d’Airbnb pèse déjà plus lourd que celle d’Air France ! Pourquoi cette société vient-elle de lever plus d’1Mds $ d’investissement en un temps record, alors que pas un investisseur ne mettrait aujourd’hui un kopeck dans une recapitalisation de la compagnie française ?

Puisqu’Airbnb perd encore de l’argent, la réponse n’est une question de rendement, mais bien une histoire de modèle économique. Celui d’Airbnb déjoue toute les réglementations nationales et internationales, s’émancipe des fiscalités locales et détruit le travail « encadré » pour promouvoir des « petits boulots » précaires et mal rémunérés. Il a le vent en poupe, aux USA comme en Europe…

L’union des métiers du tourisme peut-elle suffire à contrer les offensives de ce genre de puissances avant tout financières ?

Dans un tout autre registre, à quoi servira cette « Union », si Budapest, Prague, Salzbourg ou encore Athènes et les îles grecques, après les pays de l’Est et du sud de la Méditerranée, deviennent elles aussi des « destinations interdites », brisées par le chaos géopolitique qui s’installe partout dans le monde ?

Comme le soulignait également un agent de voyage d’origine chinoise, qui participait à la conférence du SKÅL, à quoi servira aussi cette « union des métiers » si la sécurité des touristes n’est pas assurée en France et que l’image du pays, réseaux sociaux aidant, se dégrade à la vitesse V ? Pense-t-on que les futurs visiteurs vont en profiter pour allonger leur séjour et dépenser plus ?

Qu’on parle de réceptif ou d’outgoing, d’import ou d’export, les professionnels du tourisme ont certainement besoin d’une union politique de leur métier. Mais ils ont aussi, et peut-être avant tout, besoin de réponses structurelles aux difficultés concrètes qu’ils affrontent tous les jours sur un marché de plus en plus anarchique.

Lénine disait que « l’union » ne se décrète pas ; elle se fait dans l’action…

Or justement, de ce point de vue, je reste assez sceptique.

Comment par exemple, être solidaires des hôteliers contre Airbnb, tout en intégrant l’opérateur américain dans son système de vente ?

Ça me semble plutôt incohérent…

Ça me semble aussi réduire la solidarité à une simple posture…

Ça me semble enfin très court-termiste de soutenir ce qui à moyen terme ne manquera pas de détruire des emplois dans les différents métiers du tourisme, y compris dans les agences de voyages.

Je sais bien qu’aujourd’hui, il est impossible de perdre, ou de risquer de perdre un seul client ; mais si l’on perd son entreprise, a-t-on encore besoin de clients ?

Bertrand Figuier





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