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Demain je pars…! L’arrêt de Twim Travel expliqué par son patron

PAROMANO [1]Petit acteur insignifiant de l’industrie touristique française, j’ai l’honneur de faire la une de la presse professionnelle depuis quelques semaines.

Certes, les faits sont les faits, et la plupart des journaux ne sont pas allé plus loin dans l’investigation et l’analyse.

Je passe sur les commentaires agressifs, anonymes comme il se doit, et les leçons de gestion postées par des lecteurs sans doute maîtres dans l’art de critiquer ce qu’ils n’ont jamais tentés eux-mêmes, ils ne méritent pas que je m’y attarde.

Je mettrais cela sur le compte de l’ignorance parfois, la seule valeur à connaitre un développement exponentiel en France (mais il faut dire que le terrain y est favorable dans notre secteur), et de la bêtise le plus souvent, son habituel acolyte.

J’avais donc décidé de ne pas polémiquer, surtout après avoir accordé une interview à Tourmag qui s’est fait plaisir en ne retranscrivant que partiellement mes dires pour rendre « l’affaire » plus croustillante afin de s’assurer une audience maximum (tout est relatif, n’oublions pas qu’une bonne audience pour un papier professionnel plafonne à 4 ou 5 000 lecteurs, des queues de cerises dans le paysage médiatique français).

Bref, la vérité vraie n’est sans doute pas assez commerciale.

Mais trop c’est trop. Il se trouve que, parallèlement aux voyages, une de mes autres passions est l’écrit. Et par ricochet j’ai gardé une haute estime de la presse, la vraie, celle qui a pour valeur le respect de la vérité, la vérification scrupuleuse des sources, l’indépendance et l’incorruptibilité, et qui s’inspire plus d’Albert Londres que de Voici.

Or voilà qu’un chroniqueur des bacs à sable, un Zola du microcosme corporatiste et narcissique, se lance dans un « j’accuse » aussi flamboyant que pathétique.

Ce Monsieur, Dominique Gobert pour être plus précis, dont le verbe fait la réputation alors qu’il manie notre langue avec autant de grâce que le cantonnier de mon village après une demi-douzaine de petits blancs au comptoir du Penalty, sans même avoir pris la peine d’investiguer, se permet de juger de ma gestion, de ma sincérité, et de la pertinence de mon modèle commercial.

Je suis, selon lui, un menteur professionnel (et ses expressions sur ce sujet m’ont définitivement ôté les doutes que je pouvais encore avoir sur ses références littéraires) pratiquant illégalement le métier d’agent de voyages.

Reprenons donc dans l’ordre.

Que sait-il de ma gestion ? Rien… Il n’a interrogé ni mon expert-comptable, ni mon responsable financier, ni moi-même, forcement.

Qui est-il pour juger, lui, grand communiquant spécialiste du mélange des genres dont l’unique société qu’il a dirigé a été fermée par décision de justice pour insuffisance d’actif (oui Monsieur, moi je fais mes devoirs avant de l’ouvrir)?

Que sait-il de ma sincérité ? Il ne connait pas plus ma vie professionnelle que ma vie privée, et s’il s’était un minimum renseigné avant de rédiger avec ses pieds un réquisitoire de procureur de pacotille il aurait honte de ses propos.

Quant à la pertinence du réseau Twim Travel, je trouve que pour un spécialiste du tourisme Monsieur Gobert ferait mieux de voyager un peu… et autrement qu’à l’occasion des congrès professionnels. Ah zut j’oubliais, pour cela il faut payer, et si possible parler une autre langue, mais quand on a déjà du mal avec sa langue maternelle, forcement…

Enfin sur la légalité de mes décisions, il se trouve que c’est un peu plus mon rayon que le sien, étant consultant spécialiste de la question des intermédiaires non immatriculés pour le compte du Ministère.

Tiens à propos, un site sans immatriculation (licence à l’époque) qui se présente comme « le spécialiste des voyages de noces » mais camoufle son activité de vente de voyages sous un pseudo portail « non-marchand » du tourisme alors qu’il est commissionné par les tour-opérateurs dont il présente les produits est-il vraiment légal ?

Pour ceux qui n’auraient pas suivi je parle de feu (oui encore une initiative réussie de Monsieur Gobert) demainjepars.com.

C’est terrible ce qu’internet peut laisser comme traces, je suis certain que Monsieur Gobert regrette le bon vieux temps, le sien, où le papier jaunissait au point de devenir illisible et où il fallait passer des heures dans sur des microfiches pour retrouver un article.

Google est vraiment un vilain méchant substitut de bibliothèque.

Voilà pour ce qui est de ma réponse à cette attaque ciblée aussi stupide qu’inutile, aussi ridicule que déplacée, quand les grands du tourisme, les vrais, sont à l’agonie et qu’on perd son temps, sa plume, et l’argent de Tourmag à écrire de telles inepties.

Maintenant revenons aux faits. J’en ai tellement entendu qu’une rapide clarification s’impose.

J’ai créé TwimTravel en 2008, et souscrit une garantie financière auprès d’une compagnie privée non pas parce qu’elle était moins chère que l’APST mais par qu’un de mes actionnaires me l’a recommandée.

En 2010, cette compagnie, CECG, a décidé de ne plus garantir les agences de voyages, et a donc résilié notre garantie. Je me suis tourné vers ce même actionnaire qui m’a recommandé la CNP, et ai donc souscrit une nouvelle garantie auprès de ces derniers.

Entre temps, nous avons beaucoup investi, pour lancer l’activité, et connu une croissance correcte jusqu’en 2011.

En 2012, une conjonction de plusieurs facteurs nous a mis en difficulté financièrement : sortie du réseau Havas (lors de la cession à CWT) et donc prépaiement avec les TO entrainant une réduction importante de notre trésorerie, mauvaise anticipation de croissance (12 % au lieu des 35 % escomptés) ne permettant pas de couvrir nos charges fixes et investissements, et surtout suppression sans préavis de l’autorisation de découvert saisonnière que la banque nous accordait deux fois par an.

Je ne suis peut-être pas le meilleur des gestionnaires, comme beaucoup s’autorisent à le souligner, mais la vérité est toujours plus complexe qu’elle n’y parait.

Les démonstrations simples sont souvent simplistes, et donc fausses, n’en déplaise aux donneurs de leçon.

J’avais le choix entre déposer le bilan et me battre, nous avons collectivement fait le choix de nous battre : réduction drastiques des charges, réductions des effectifs fixes du siège, négociation d’échéanciers avec les fournisseurs et organismes sociaux, etc.. pour mener à 60 % de charges fixes en moins et un retour à l’équilibre mi-2013.

J’ai alors commencé à chercher un partenaire financier ou industriel pour assurer la pérennité de Twim le temps que le marché soit mature pour ce modèle.

Dès le début de 2014, nous avions réduit de 70 % nos dettes (la principale dette fournisseur, de plus 100 000 euros avec Sirius, ayant été entièrement remboursée fin 2013), et réalisé une première petite levée de fonds auprès de business angels pour assainir les comptes en prévision d’une entrée plus important dans le capital d’un nouvel associé.

Alors que tous les signaux sont au vert, la CNP m’annonce qu’ils ont vendu leur portefeuille de cautions à …CECG ! Et par conséquent qu’ils ne renouvelleront pas notre garantie. J’ai alors fait la tournée des assureurs pour chercher un nouveau garant, relativement sûr de moi compte tenu de l’amélioration de la situation de Twim,, en commençant très naturellement par l’APST.

Un premier rendez-vous avec Monsieur Toromanoff me permet de pré-présenter le dossier pour vérifier leur intérêt d’aller plus loin, intérêt validé puisque l’on me dit alors que la réponse sera potentiellement oui mais sous réserve de trouver une contrepartie à la garantie (une caution solidaire, que j’aurais pu trouver parmi mes nouveaux actionnaires).

Je transmets donc un dossier complet, et part me marier (et oui, ce genre d’évènement se prépare longtemps à l’avance, je ne pouvais donc pas me douter que la commission se réunirai la semaine de mon mariage).

J’envoie donc ma collaboratrice et associée présenter le dossier. Expédiée en 10 minutes avec une phrase de conclusion mémorable de son interlocuteur : « vous devriez vous trouver un riche mari Mademoiselle »… Elégant, fin et pas du tout sexiste, très professionnel.

Je reçois quelques jours plus tard une lettre sibylline me signifiant le refus de l’APST de me proposer une garantie, suivi d’un appel amical m’expliquant que mon modèle est un peu « complexe », voir inquiétant pour la profession (sic).

Un peu d’humour, mon gentil interlocuteur fait la une des journaux professionnels le lendemain de son appel, il a été viré le jour même de l’APST, accusé de faux et usage de faux… Un fusible sans doute, mais qu’importe, il me fallait surtout courir les banques et les compagnies d’assurance pour trouver une nouvelle garantie.

Les banques m’ont toutes refoulé, soit parce qu’elles ne veulent plus d’agences de voyages, soit parce qu’elles acceptent de monter une garantie à condition de bloquer un montant équivalent, ce que je ne pouvais pas encore me permettre à l’époque.

Quant aux assurances, 100% de celles contactées, y compris les courtiers qui ont fait le tour de la place, m’ont répondu ne plus vouloir garantir les agences, sans même me demander de dossier.

J’ai donc décidé d’accélérer les négociations avec les investisseurs (en l’occurrence un fonds d’investissement et un professionnel anglais sur le même modèle que moi) pour disposer des fonds nécessaires au blocage demandé par les banques pour l’octroi de cette garantie.

Fin mars, j’ai pris la décision de continuer malgré la perte de la garantie, parce que j’étais certain que les négociations aboutiraient rapidement et que les investisseurs m’auraient apporté le cash avant l’été. J’avais encore 3 mois pour déclarer les créances, et je n’imaginais pas que l’activité allait chuter, jusqu’à atteindre -70% en juillet, rendant la situation impossible à maîtriser.

Seulement voilà, les problèmes n’arrivent jamais seuls.

Tout allant de mieux en mieux, j’avais décidé de renforcer les équipes de support aux conseillers en début d’année, m’attendant à une croissance motivée par la restructuration de Twim.

Erreur de gestion, j’en conviens, j’ai mis la charrue avant les bœufs comme l’aurait dit Monsieur Gobert avec son vocabulaire de comptoir.

Mi-mars, Sirius nous coupe l’accès à leurs services de billetterie, que nos conseillers avaient l’habitude d’utiliser depuis 4 ans. Je passe sur leurs tergiversations : on coupe, mais on ne coupe pas, on négocie un nouveau contrat, on prend rendez-vous puis on l’annule, puis on décide de couper avec du coup plus que 72 h de préavis.

Bref, sans billetterie, plus de voyages.

Il nous a fallu 2 mois et 3 tentatives ratées avant de trouver une solution de rechange, perturbant considérablement notre activité et faisant chuter notre chiffre d’affaires de 50%.

De la repart la spirale infernale : ralentissement de l’activité, diminution de la trésorerie, retard de paiement des fournisseurs et des commissions aux conseillers, inquiétude, entraînant à son tour un ralentissement des ventes, etc…. Vous connaissez la suite.

J’ai pris la décision de continuer parce que j’étais sûr de moi, je n’en ai pas parlé aux conseillers parce qu’ils auraient immédiatement arrêté de vendre et je n’aurais plus eu aucune chance de signer avec les investisseurs.

Je l’ai fait, comme tout ce que j’ai fait pendant ces deux ans de bataille, pour le bien de la société et de ses membres, je me suis mis en péril personnellement parce que j’y croyais.

Et j’y crois encore, à tel point que si c’était à refaire je prendrais la même décision dans les mêmes circonstances.

Gérer une entreprise est une succession de prise de décision et de prise de risque, d’aucuns pourront me reprocher d’en avoir trop pris, mais certainement pas de « manier une passoire à mensonges » dans un article qui ressemble plus à une attaque personnelle qu’à une enquête journalistique digne de ce nom.

Pierre-André Romano