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Les compagnies aériennes françaises sont-elles dans un étau ?

Les résultats de l’année 2017 seront exceptionnellement bons pour au moins deux bonnes raisons : d’abord une conjoncture mondiale favorable avec une croissance qui sevrait friser les 7 % et un cumul de résultats nets proches de 40 milliards d’euros. Et cela dure depuis deux ans.

Et puis il faut bien reconnaître que tous les transporteurs français ont fait de très sérieux efforts pour réduire leurs coûts à commencer par le groupe Air France/KLM.

[1]Si j’en juge les résultats publiés par la compagnie nationale à fin septembre, le bénéfice net se monte à 705 millions d’euros contre 439 l’année précédente. Et ce bon résultat n’a pas été obtenu par la diminution du carburant car le montant de la facture est identique d’une année à l’autre. Il est venu de l’augmentation du chiffre d’affaires de 472 millions d’euros pour la même période.

Le groupe Dubreuil avec Air Caraïbes et French Blue tire lui aussi son épingle du jeu, même si les résultats de la compagnie « low cost » n’ont pas encore atteint l’équilibre, mais on n’en est qu’au tout début de l’exploitation.

Restent Aigle Azur, Corsair et XL Airways et sa filiale La Compagnie qui sont encore dans des phases d’incertitude voire de recomposition tout au moins pour Aigle Azur laquelle a changé de direction pendant l’année. Un dernier petit mot pour saluer Air Corsica et Air Tahiti Nui qui ne font pas parler d’elles, mais qui continuent tranquillement leur petit bonhomme de chemin, sans rien demander à personne.

[2]Bref tout semble aller convenablement même s’il ne faut pas tirer un feu d’artifice. Mais les nuages commencent sérieusement à s’amonceler à l’horizon de 2018.

La bagarre s’annonce très sérieuse sur le secteur long courrier, le seul susceptible de dégager de forts profits. Le fragile équilibre constaté au cours des dernières années va voler en éclats.

[3]La guerre a été déclenchée par Norwegian qui, profitant des facilités de droits de trafic européens, bien que la Norvège ne fasse pas partie de la Communauté, s’est lancée dans le transatlantique avant d’ouvrir les Antilles en 2018.

Alors tout à coup, on s’aperçoit que le long courrier peut aussi faire l’objet d’exploitation sous la forme de « low cost », bien que cela ait été nié pendant des années. Il faut donc rattraper le retard.

Comme le dit fort justement Marc Rochet, « pour créer une compagnie «low cost » il faut partir d’une feuille blanche ». Il s’y est donc attelé et le Groupe Dubreuil dont il dirige la branche aéronautique est le premier à mettre en route une nouvelle compagnie de ce type.

Elle s’appelle French Blue mais elle va changer pour French tout simplement et d’ores et déjà elle fait son trou non seulement vers la zone Caraïbes, mais également vers la Réunion avant d’aller à Tahiti comme cela a été annoncé pour l’année prochaine.

Mais l’affaire ne s’arrêtera pas là. Le groupe anglo-ibérique IAG a lui aussi créé son transporteur « low cost » appelé Level. Celui-ci a déjà démarré son exploitation à partir de Barcelone mais il va surtout s’installer à Orly en 2017 en profitant des slots jusque-là attribués à Open Sky qui lui appartient. Et bien entendu, on va trouver Level sur l’axe transatlantique. Cela ne fera pas les affaires d’XL Airways et de Corsair, même si cette dernière opère une reconversion vers l’Afrique et encore moins celles d’Air France.

[4]La réplique d’Air France/KLM avec Joon est un peu plus confuse à analyser. D’un côté le groupe ne présente pas ce nouvel opérateur comme un « low cost », mais pourtant c’est bien ainsi qu’il apparaît dans le rapport de présentation des comptes du troisième trimestre 2017.

Il faudra attendre encore quelques mois pour y voir plus clair.

Bref, la concurrence s’annonce féroce et elle entraînera certainement une baisse des prix laquelle ne pourra être compensée par une baisse équivalente du carburant car il semble bien que le cours du pétrole soit reparti à la hausse. Et la qualité des relations internationales se dégrade sous la pression des Etats Unis que l’on voit se refermer sur eux-mêmes.

L’affaire ne s’arrêtera pas là car les compagnies asiatiques comme Scoot la filiale de Singapore Airlines ou Air Asia X, vont certainement repartir à l’offensive sur l’Europe. Notons d’ailleurs que tous les concurrents étrangers des compagnies françaises bénéficient d’une structure de coûts
sensiblement inférieure, en particulier pour ce qui concerne les charges salariales et qu’elles n’ont pas à payer un certain nombre de taxes parfois incongrues qui pèsent sur le pavillon français.

Il serait grand temps que les Pouvoirs Publics se penchent sur le transport aérien autrement que pour décider de la construction ou non de l’aéroport Notre Dame des Landes, afin de lui donner les fondamentaux administratifs nécessaires pour affronter les difficultés à venir. Le Gouvernement doit
décider si le transport aérien français est stratégique ou non.

Jean-Louis Baroux