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Chronique ordinaire d’un détournement d’avion à Cuba

Les relations américano-cubaines se sont totalement détériorées depuis l’embargo américain mis en place depuis le 7 février 1962. En 1973, les deux états ont néanmoins signé un pacte sur les détournements d’avions qui s’étaient multipliés depuis quelques années. Bon an mal an ils pouvaient se chiffrer par dizaines dans le début des années 70. Au point de se banaliser quand tout se passait bien. Ce qui était souvent le cas.

Je vais vous raconter l’histoire d’un détournement tel qu’il fut vécu par le commandant de bord de l’avion.

En 1971, le DC 9 de Delta Airlines avec 36 personnes à bord et 4 membres de l’équipage devait relier Chicago à Nashville. Il fut « réquisitionné » par un homme bardé d’explosifs scotchés sur le torse. Pour des raisons d’économie, les compagnies ont toujours calculées au plus juste les quantités de carburant. Pour éviter le surpoids de l’appareil qui augment la consommation.Un cercle vicieu. La seule fois ou le plein fut fait complètement, fut le jour ou l’avion fut détourné. Il y avait 25 000 livres de kérosène.

Suffisamment pour relier Chicago à La Havane sans escale. Cette précaution fut faite car il y avait un épais brouillard au dessus de la région de Nashville. Ce qui rendait possible un déroutement vers un autre aéroport.

Le pirate de l’air était un américano-africain bien éduqué. Il avait été radié des cadres de l’armée pour mauvaise conduite. Il avait pu embarquer à Chicago O’ Hare avec les explosifs dans son attaché-case. Il faut rappeler qu’à cette époque, la sécurité dans les aéroports était quasiment inexistante.

La sécurité aérienne se contentait de vérifier le profil des passagers. Pourtant le hijacker répondait parfaitement au profil défini. Il avait réservé un billet aller simple, réglé en espèces, sur un vol court et n’avait enregistré aucune bagage. Pourtant, il fut embarqué sans problème avec sa bombe.

L’homme transportait avec lui de la nitroglycérine liquide un explosif aussi instable que destructeur. Rappelez-vous du film « le salaire de la peur » avec Yves Montant et Charles Vanel.

En cours de vol, il s’était signalé par un mot remis à l’hôtesse à l’attention du commandant de bord. Il était écrit : « J’ai une bombe sur moi. Je veux me rendre à la Havane pour rejoindre Fidel Castro et servir la révolution cubaine en travaillant dans les champs de canne à sucre. »

Le commandant répondit par un autre mot. « Nous sommes déjà en route. » Ce qui répondait aux procédures actuelles qui sont de donner satisfaction au preneur d’otage pour avoir le temps d’évaluer la situation afin d’agir au mieux plus tard.

Il tendit le message à l’hôtesse, et dit : « donnez lui ce message et demandez lui de me rejoindre dans le cockpit. » Là, ce n’est plus la manière orthodoxe pour gérer ce type de situation. De son propre aveu, le commandant voulait se rendre compte si l’explosif en était vraiment ?

L’hôtesse revint dans la cabine et annonça au commandant de bord : « Il dit qu’il veut rester à sa place dans la cabine et demande à ce que vous restiez à la vôtre. »

On n’est jamais assez prudent et le pirate de l’air était sans doute discret et timide. Son mode opératoire était en tout cas inhabituel et déroutant si je peux m’exprimer ainsi.

Le pilote, libre de ses actes, mit le transpondeur de l’avion en mode signalement de détournement. La sécurité cubaine confirma par un laconique « roger. » Il ne restait plus qu’à rejoindre Cuba.

La suite du vol se déroula au mieux. Au point où les passagers ne se rendirent même pas compte que le vol était en train d’être détourné. Le vol fut exceptionnellement en « open bar » avec les compliments de Delta Airlines. C’était la politique de la compagnie. La faute au brouillard à Nashville bien sûr.

Seul fait inquiétant des turbulences au dessus du golfe du Mexique qui donnèrent des sueurs froides au commandant de bord. Il pensait aux secousses qui pouvaient faire exploser la nitroglycérine à tout moment.

Le pirate pensait être accueilli en héro par les autorités cubaines. Il attendait sagement sur son siège. Il fut immédiatement arrêté et débarrassé et son encombrant colis. Il fut jugé et condamné à 5 ans de prison par la justice cubaine. A la fin de sa peine, il fut extradé vers les Barbades, un territoire américain. Arrêté par les U.S Marshalls à l’arrivée, il fut condamné par la justice américaine à 30 ans de prison. Les deux pays étaient presque d’accord.

Détail amusant Cuba et les États Unis ne voulant pas communiquer du fait de l’embargo, ce fut un représentant de l’ambassade de Suisse qui géra la situation à Cuba. Il régla la note du restaurant et l’essence du vol de retour.

Plus tard le commandant de bord eut l’occasion de demander si la nitroglycérine en était vraiment ? La réponse fut positive.

Toujours curieux, il demanda comment l’explosion aurait été déclenchée ? Là encore la réponse fut sans appel. En tombant au sol d’une hauteur d’un mètre environ. Depuis, le commandant de bord croit plus que jamais en sa bonne étoile.

François Teyssier