- LaQuotidienne.fr - https://www.laquotidienne.fr -

Ca bouge à Singapour…

La récente manifestation du 16 février, qui a réuni quelque 4 000 Singapouriens contre le projet du gouvernement d’accroître la population de la cité-Etat, essentiellement par l’immigration, n’a pas rassemblé une foule énorme à l’aune de Hong Kong. Pourtant, à Singapour, où la liberté d’expression est assez limitée, cette manifestation marque une étape très importante.

Elle traduit un processus de changement politique, à l’œuvre depuis quelques années. Singapour est plus politisée : davantage de citoyens s’engagent politiquement.

Il y a de nombreuses raisons à cela. L’une des plus importantes est la hausse constante du coût de la vie, allant de pair avec une augmentation relativement lente, voire une stagnation des salaires, d’où une baisse sensible du niveau de vie. Singapour est désormais la troisième ville la plus chère d’Asie (après Tokyo et Osaka) et les Singapouriens, dont le temps de travail compte parmi les plus élevés d’Asie, ont du mal à garder la tête hors de l’eau.

Selon certains indicateurs, le pays présente de fortes inégalités sociales, dépassé en cela uniquement par Hong Kong. Bien que Singapour soit une société riche, un récent sondage Gallup fait apparaître que ses habitants sont – sur 148 pays, derrière l’Afghanistan, l’Irak et la Syrie – le peuple le plus malheureux.

La colère de nombreux Singapouriens est dirigée contre le Parti d’action populaire (PAP, au pouvoir depuis 1959 et toujours majoritaire au Parlement). Traditionnellement, les dirigeants du PAP ont toujours affirmé qu’ils ne céderaient pas aux pressions de la rue.

Une telle répression est peut-être acceptable en période de croissance économique. Mais la stagnation du niveau de vie de nombreux Singapouriens moyens ces dernières années a changé la donne. Lors des dernières élections législatives de 2011, le parti au pouvoir a essuyé son pire revers depuis l’indépendance.
Même s’il a bénéficié de 60,1 % du vote populaire, le recul était flagrant et le gouvernement a dû engager quelques réformes.

Toutefois, elles ont été jusqu’à présent insuffisantes, comme en ont témoigné les deux récentes élections partielles [27 mai 2012 et 26 janvier 2013], gagnées l’une et l’autre par le Parti des travailleurs, la formation d’opposition. Autant dire que la mainmise du PAP sur le pouvoir est remise en cause.

La récente manifestation révèle une aspiration grandissante de participation à la vie politique – une bonne partie du changement s’est jouée dans le cyberespace.

L’Etat utilise divers moyens pour entraver la liberté d’expression, mais les Singapouriens sont moins dociles que par le passé. Ils sont de plus en plus nombreux à oser défier le pouvoir d’Etat. La vie politique pourrait s’ouvrir au pluralisme et répondre davantage aux aspirations des gens.