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Brittany Ferries : Trop d’Anglais, pas assez de Français !

Sage comme une image… Brittany Ferries est un peu l’élève dont on ne parle jamais tant il est sage. Et pourtant, cette compagnie, qui avait à peine une demi-douzaine de navires il y a 20 ans, en exploite 10 aujourd’hui et transportait près de 2,7 M de passagers en 2015-16, soit 4 % de plus qu’en 2014-15 et 12 % de croissance passagers depuis 2012.

Présente dans 5 ports français, Roscoff, St Malo, Caen, Cherbourg et Le Havre, elle affiche 3 destinations anglaises, Plymouth, Portsmouth et Poole, mais aussi Cork en Irlande et Bilbao ou Santander en Espagne.

Sur son dernier exercice, son trafic transmanche a gagné 13 % tandis que les lignes reliant la Grande Bretagne à l’Espagne ont augmenté de 16 %…

Si l’on va plus avant dans le détail, on trouve encore de bons chiffres : + 21 % d’activité pour le Normandie Express depuis qu’il est positionné exclusivement sur Cherbourg ; Un trafic stable au départ de Caen (+ 1 %) mais l’exploitation quotidienne de l’Etretat, au départ du Havre, a gagné 27 %…

Quant aux sept traversées fret/passagers vers l’Espagne, elles ont connu une progression plus qu’honorables de 5 %.

Il n’empêche qu’on entend rarement parler d’eux… leur dernière conférence de presse, par exemple, datait de janvier 2015… C’est dire. Pour un transporteur français, en tout cas, ça nous change pas mal.

Cette discrétion est sans doute une question d’histoire ! Créée en 1972 par anglais-2 [1], un agriculteur breton surtout soucieux d’apporter des débouchés à la production maraîchère de la région, Brittany Ferries a mobilisé dès son origine les acteurs privés et institutionnels locaux.

Ensemble, il faut croire qu’ils ont su lui insuffler le meilleur des qualités régionales : la persévérance, le goût du travail bien fait, la prudence et la modestie…bref les ingrédients nécessaires pour cultiver à long terme son sens des affaires.

Mais n’insistons pas trop sur ce rôle de transporteur… C’est un peu comme si l’on parlait encore de l’époque ou la compagnie s’appelait BAI, pour Bretagne, Angleterre, Irlande.

Aujourd’hui les choses ont bien changé, et Brittany Ferries n’est plus seulement un transporteur. C’est aussi un TO, un producteur qui ajoute à ses produits des traversées qui sont autant de mini-croisières, avec une à deux nuit à bord selon la destination, et tout le confort ou l’animation qui convient pour faire de la navigation un moment de vacances à part entière.

L’évolution est si bien engagée que les traversées stricto sensu ne représentent plus que 15 % des ventes ; d’ailleurs 70 % d’entre elles se font par internet tandis que la production TO passe pour un gros tiers, à 36 %, par les agences de voyages.

anglais 3 [2]De fait, la compagnie a également augmenté sa zone de chalandise. Au-delà de la Bretagne, elle attire désormais des clients de l’Île de France, bien sûr, mais aussi et surtout du Sud-Ouest, du centre, de la vallée de la Loire et de Lyon jusqu’à Marseille, en longeant la vallée du Rhône.

Son offre de vacances en liberté, traversée comprise, avec son propre véhicule, des hébergements variés, des séjours ou des circuits de quelques jours à plus de 2 semaines, comme son nouveau combiné Irlande-Ecosse sur 16 jours, ne séduit plus seulement les résidents de ses ports d’attache et leurs voisins immédiats, elle plait aux consommateurs plus éloignés qui préfèrent une traversée vivante, détendue, entre un passage au bar, un restaurant ou un spa plutôt que la sécheresse d’un transport aérien sur des vols relativement courts.

La tendance est assez marquée, puisque Brittany Ferries est aujourd’hui le N°1 des TO français sur l’Irlande (29 000 pax) et le N°2 sur l’Angleterre (13 400 pax), destination où Verdier Voyage et ses clients semblent tout particulièrement apprécié la production de Brittany Ferries.

Curieusement, la compagnie bretonne, leader sur le trafic transmanche Ouest et centrale, est d’abord fréquenté par des Anglais… Son chiffre d’affaires se fait d’ailleurs à 80 % en livres sterling !

Cela la place évidemment en première ligne si l’on parle du Brexit.

Pour le moment, malgré les fluctuations de la monnaie britannique, l’événement ne lui a pas semblé si remarquable en terme économique.

Florence-Gourdon-carrée [3]Selon Florence Gourdon, la responsable marketing, elle n’a pas senti d’arrêt ou de baisse dans ses réservations, par exemple, et les dépenses des passagers n’ont pas non plus évolué de façon sensible…

C’est une bonne chose, même s’il faut encore rester prudent, mais prudence oblige, il vaut mieux prévoir que guérir.

Brittany Ferries regarde avec plus d’acuité le potentiel de sa clientèle française.

Quoi qu’il se passe chez nos voisins d’Outre-Manche, de toute façon, rééquilibrer les marchés sources était sans doute dans les tuyaux de sa stratégie.

C’est le sens et l’objectif de l’effort de communication qu’entame en cette fin d’année 2016 la compagnie finistérienne.

Elle lance un nouveau logo, une nouvelle ligne graphique pour ses brochures, ses supports promotionnels, en mettant davantage en avant son positionnement « spécialiste » sur ses principales destinations, Angleterre, Espagne, Irlande, Ecosse et Portugal.

Chaque fois, elle relie aussi plus clairement les destinations aux navires qui les desservent.

Histoire de se faire connaître rapidement, elle emmènera des agences Leclerc Voyages en éductour dans le Sud anglais.

Histoire de faciliter la tâche de tous, elle va également optimiser ses outils digitaux, ses sites notamment, qui devraient être entièrement revus d’ici l’automne 2017.

Brittany Ferries va donc faire parler d’elle dans les mois à venir…

Heureusement, elle n’a pas l’air d’avoir trop « besoin de faire des phrases » pour se faire connaître, contrairement aux marins de Francis Blanche.

Bertrand Figuier