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Air France : Et maintenant ?

baroux-1 [1]Pour tout vous dire, je ne voudrais pas être à la place d’Alexandre de Juniac et de Frédéric Gagey respectivement Président d’Air France/KLM et d’Air France.

Certes dans une certaine mesure ils ont gagné leur bras de fer avec le SNPL, mais à quel prix !

Non seulement ils ont dû renoncer à la création de Transavia Europe, seule vraie porte de sortie pour reconquérir le marché bas de gamme, mais Air France a perdu dans l’affaire 300 millions d’euros.

Finalement tout le monde est d’accord pour dire que la délocalisation des activités dans l’automobile a, seule, permis de garder un fleuron français.

Je note d’ailleurs qu’après une période d’expatriation de la production dans des pays à main d’œuvre meilleur marché, certaines productions de haut de gamme commencent à revenir en France pendant que les résultats économiques sont tirés par le « low cost ». Pourquoi donc ce qui est encensé lorsqu’il s’agit de l’automobile se trouve voué aux gémonies dès que l’on parle de transport aérien ?

Bon, l’affaire est pliée pour le moment.

Mais alors il va falloir faire face aux difficultés sans pour cela avoir un projet d’envergure. Autrement dit, Air France et ses filiales vont continuer à perdre de l’argent. Combien de temps cela peut-il durer ?

Certes la compagnie dispose encore d’un matelas de cash important : sans doute autour du milliard d’euros actuellement et elle a une ligne de crédit sécurisée pour un montant au moins équivalent.

Oui, mais pour maintenir ce niveau de disponibilités, Air France, tout comme d’ailleurs le Gouvernement français, a recours à l’emprunt : le dernier de 600 millions d’euros début juin.

Et cet endettement génère inexorablement des frais financiers, même si on peut faire confiance aux responsables financiers de la compagnie pour emprunter au meilleur taux et avec les meilleurs instruments techniques.

Mais enfin, rien qu’au premier semestre 2014, les charges financières se sont élevées à 320 millions d’euros. Ce n’est pas rien.

La bonne solution, la plus saine certainement, serait de procéder à une massive augmentation de capital. Mais qui va y souscrire dans le contexte actuel ? Qui va risquer son bon argent ?

Certes le cours de l’action se relève à 7,20 €, curieusement sous l’effet d’annonces favorables par… EasyJet, mais il reste tout de même à la moitié du cours d’introduction en bourse il y a déjà plus de 10 ans.

Pour tout dire, avec une capitalisation boursière de 2,139 milliards d’euros, Air France est à la merci d’un prédateur.

Pas cher pour un outil aussi puissant et une marque mondialement connue et appréciée.

Mais qui pourrait acheter ?

On pense bien sûr aux compagnies du Golfe : Qatar Airways ou Etihad, mais même si ces dernières montaient à 49 % du capital, ce qui est tout de même peu envisageable, cela n’apporterait dans les caisses qu’un milliard d’euros. Un peu léger tout de même pour un transporteur qui réalise 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires, mais surtout qui a un endettement net de plus de 5 milliards d’euros.

Alors qui ? Il est peu envisageable de lancer une augmentation de capital en bourse.

Et puis peut-être Air France peut-elle s’en sortir toute seule à quelques conditions. D’abord que les grèves s’arrêtent.

Elles sont suicidaires non pas tant par l’argent qu’elles font perdre, mais par la dégradation d’image de la compagnie. Ce facteur est absolument vital car les clients achètent longtemps à l’avance, et s’ils ont un doute sur la pérennité de l’exploitation, ils iront chez les concurrents.

Ensuite que la direction réussisse l’exploit de diminuer fortement les coûts tout en améliorant très sensiblement la qualité de service.

Enfin que par un tout de passe-passe que l’on ne voit pas se dessiner pour le moment, la compagnie réussisse enfin à occuper sérieusement le créneau de bas de gamme, le « low cost ».

Pour tout dire, on ne peut pas compter sur la croissance du transport aérien qui, pour le moment, bénéficie d’abord aux concurrents.

Alors que se passerait-il s’il y avait un coup de Trafalgar ? Imaginons par exemple que le pool bancaire lâche la compagnie. C’est déjà arrivé à Swissair. L’Etat français n’aurait aucune possibilité de renflouer le transporteur comme cela a été fait dans la passé à hauteur tout de même de 3,5 milliards d’euros.

Contrairement à ce que l’on entend, « too big to fail » et « jamais le Gouvernement Français ne laissera tomber la compagnie », ce dernier n’a aucune possibilité d’intervenir.

Même Silvio Berlusconi n’a pas pu renflouer Alitalia, et ce n’était pas l’envie qui lui en manquait.

Or tout le monde est bien d’accord la survie d’Air France est capitale non pas seulement pour le transport aérien, mais bien pour tout le pays. Ce n’est pas discutable.

Alors, si par un hasard que je ne souhaite absolument pas, on arrivait à une telle extrémité, il resterait encore une solution : Aéroports de Paris.

La capitalisation boursière d’ADP est de 9,635 milliards d’euros soit 4 fois celle d’Air France. L’aéroport de Prague a bien déjà racheté, lui, sa compagnie nationale la Czech Airlines.

A méditer.

Jean-Louis BAROUX