Les malheurs de Lufthansa


baroux-1Comme le disait Jacques Chirac : « Les merdes, ça volent en escadrille ». Voilà ce qui pourrait bien s’appliquer à Lufthansa, au sens propre comme au figuré. Lorsque le sort s’acharne, il ne reste plus qu’à faire le dos rond et attendre la fin de l’orage.

Pour le nouveau PDG de l’énorme groupe Lufthansa : Carsten Spohr, l’année 2015 ne s’annonçait déjà pas toute rose.

Le groupe est en phase de restructuration brutale pour faire face aux offensives des « low costs » et des compagnies du Golfe. En fait le transporteur allemand affronte les mêmes compétiteurs que le franco-hollandais et l’anglo-espagnol.

Mais contrairement à Air France/KLM, Lufthansa a choisi la méthode radicale. Le départ de 3500 salariés au début de l’année dernière n’a pas fait l’objet d’un PDV (Plan de Départ Volontaire). Et les coupes ne sont pas terminées.

Bien entendu tout ne se passe pas dans la dentelle et pour la première fois de son histoire, le groupe allemand a dû faire face à des grèves à répétition : 13 en un an, la plupart menée par le syndicat majoritaire des pilotes : Vereinigung Cockpit qui regroupe 5.400 des 9.000 navigants techniques de la compagnie. Ceux-ci s’opposent farouchement à la dernière mesure que veut leur imposer la direction : le départ en retraite à 60 ans et non en pré-retraite à 55 ans avec 60 % du dernier salaire comme c’est le cas actuellement.

Cette mesure ferait économiser 1,1 milliards d’€, excusez du peu !

Et elle serait bien utile à la compagnie pour améliorer son produit afin de lutter à armes égales avec les transporteurs du Golfe.

Donc, le début d’année se présentait avec quelques gros nuages noirs. Et là-dessus, voilà que s’abat sur l’un de ses filiales le plus abominable désastre : la perte d’un avion et de ses passagers, le tout par un acte volontaire du co-pilote, alors que le commandant de bord, impuissant à retourner dans le cockpit, en dépit de ses efforts désespérés, n’a pu empêcher cet acte proprement insensé.

On ne peut que compatir à la peine des familles, mais également à celle du personnel de la compagnie et en particulier de ses deux dirigeants : Carsten Spohr pour Lufthansa et Thomas Winkelmann pour la filiale endeuillée Germanwings.

Quelle chute brutale pour cette compagnie si fière d’elle-même, si conquérante au point d’opérer dans le groupe pas moins de 15 compagnies aériennes, passagers et cargo, de réaliser un chiffre d’affaires de plus de 30 milliards d’€ le tout avec 620 appareils et 118.000 salariés.

Et par-dessus tout, en dépit des difficultés sociales rencontrées, d’être encore capable de sortir un résultat positif important.

Voilà qui doit amener tous les acteurs du transport aérien à réfléchir sérieusement à la manière d’exploiter cette activité. Faire voler un appareil à 10.000 mètres d’altitude et à 900 km/h, le faire décoller et atterrir à l’heure, le tout en baissant de manière constante les prix, demeure une vraie gageure.

On en viendrait à oublier que tout cela est très fragile et qu’il faut en permanence être convaincus qu’on n’en fait jamais assez. Personne n’aurait pu envisager un scénario d’accident tel que celui survenu à Germanwings, mais on s’apercevra certainement au fil de l’enquête que, soit certaines procédures ne sont pas au point et il faudra les améliorer, soit elles n’ont pas été suivies et il faudra bien sanctionner les coupables.

On peut aussi se demander si le gigantisme de ces énormes ensembles ne conduit pas à une certaine fragilité. Comment s’assurer que les instructions sont bien respectées sans multiplier les contrôles ce qui nécessite des investissements matériels et humains peut-être incompatibles avec la recherche des coûts les plus bas ?

Et même, est-ce que la multiplication des contrôles ne contient pas en germe le défaut dans leur application. Pourquoi un agent s’appliquerait-il à effectuer une vérification s’il sait que quelqu’un d’autre dans la chaîne a fait la même opération avant lui ou va la faire après ?

Les défauts techniques ont pratiquement tous été résolus, les appareils n’ont jamais été aussi fiables, le contrôle aérien jamais aussi performant, les installations au sol jamais aussi puissantes.

Mais le défaut reste dans le facteur humain et c’est bien ce qui rend les accidents aussi difficiles à supporter. On peut admettre des défauts techniques, comme cela a été le cas du Concorde, mais pas les comportements humains aberrants.

Nul doute que l’OACI et les compagnies aériennes vont trouver des parades au dernier accident…jusqu’au prochain que l’on ne peut pas prévoir car l’homme a des ressources bénéfiques mais aussi maléfiques insondables.

Jean-Louis Baroux





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