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La Tunisie reprend son souffle

Autant je pouvais émettre des doutes après la visite des professionnels français que le gouvernement tunisien avait organisée juste après l’attentat du Bardo ; autant cette fois, alors que nous étions à Hammamet pour le Conseil d’Administration élargie de Sélectour, j’ai le sentiment que le pays a réellement avancé, progressé dans le remise en place de son marché touristique.

Au printemps 2015, il me semblait évident que le pays, outre la sécurité, avait encore beaucoup de travail pour dépasser les annonces et les « coups de com ».

bertrand Figuier [1]Pour redresser efficacement le tourisme du pays, il me paraissait essentiel que la Tunisie ne s’essouffle pas tant à courir après le client qu’à revoir, qu’à refonder entièrement son offre et son positionnement.

Mettre des gardes partout, c’est bien, c’est ultra nécessaire ; nous autres en France, nous le savons aussi bien que les Tunisiens.

Mais si les gens ont peur de venir chez vous, vos policiers risquent de s’ennuyer très vite et leur vigilance va s’en ressentir.

De plus les produits, si bons soient-ils, ont toutes les chances d’être bradés pour répondre à un équilibre financier à court terme, entraînant inévitablement leur dégradation et la crise du marché

D’où, fort probablement, la fermeture de nombreux hôtels, incapables de tenir la distance…

Aujourd’hui, toutefois les choses ont visiblement changé. Je ne parle pas de la présence policière, avec des gars qui ne prêtent pas à sourire ; Je ne parle pas non plus de la fréquentation.

tunisie [2]La France, avec 314 000 visiteurs, est toujours en recul de 21 % si l’on prend le cumul des arrivées depuis le moins de janvier 2016, les Allemands ont reculent plus encore, de 45 % ! Les Anglais n’ont été que 18 000 à prendre le risque de braver l’interdit de leur gouvernement, soit une désertion quais totale, – 91 % !

Heureusement, les Russes ont eu le bon goût de venir en masse, près de 600 000, soit une fréquentation multipliée par 10 % !

Le marché des croisières aussi a repris, même si Costa et MSC ne sont pas encore revenus. Les demandes d’armateurs comme Thompson, par exemple, augmente cependant et la destination prend cette tendance pour l’un des signes avant-coureurs du redémarrage tant attendu.

Tout ça sent bon évidemment, mais ce n’est pourtant pas ça qui m’a frappé le plus.

tunisie [3]D’un côté, on parle de diversifier l’offre pour en finir avec l’image d’un tourisme balnéaire à bas prix.

Et pour y parvenir, un peu comme au Maroc il y a une dizaine d’année, des zones sont en cours d’identification qui feront l’objet d’un plan de développement spécifique, infrastructure, produit, thématique… Certaines îles, en face de Sfax par exemple, devraient figurer parmi ces zones.

De l’autre côté, on parle de montée en gamme et on le prouve avec la confirmation de projets hôteliers prestigieux comme ceux de Four Seasons, Leading Hôtels, Six Senses ou Radisson Blue et Accor.

On le prouve aussi avec les mesures de soutien à l’investissement privé, dans la rénovation de l’existant et dans la création de nouveau produits, ou encore avec le travail en cours autour de la révision des normes hôtelières, à la fois pour les actualiser et les améliorer. Le tout soumis à des contrôles systématiques aussi bien des infrastructures que des services proposés…

Et puis, on parle beaucoup plus encore de la formation qu’au printemps 2015, notamment avec la création d’une agence spécialisée supervisée par l’ONTT, qui sera chargée de coordonner les programmes.

missPortugal-tunisie-2015 [4]Enfin, et cela fera plaisir à Jean François Rial et Jean-Pierre Nadir qui en avaient fait leur cheval de bataille lors de notre dernière visite, la Tunisie semble vouloir enfin prendre à bras le corps la question de l’environnement.

Comment remonter en gamme, en effet, si chaque route, chaque paysage, chaque plage est semée de déchets, plastique ou autre ?

Réponse : créer une police de l’environnement ! avec de la formation, un budget, des moyens, des effectifs… et des sanctions bien sûr.

Ça n’a l’air de rien, ce sont peut-être des mots seulement, mais il n’empêche que cela signifie à la fois de la lucidité et de la cohérence dans la politique touristique de la Tunisie.

Et tout commence par là, en Tunisie comme ailleurs…

Tunisie [5]Lucidité car évidemment, tout repose sur un pays accueillant dans sa population mais aussi dans ses paysages. Et les bords de routes ou les plages jonchés de détritus peuvent parfois faire autant de mal qu’un attentat pour la fréquentation internationale.

Cohérence, à coup sûr, si l’on veut effectivement faire monter en gamme la destination. Sans aller jusqu’au luxe, rare sont les sites un peu confortables et chics où ce qui vous tombe en premier sous l’œil, c’est une bouteille ou un sac en plastique abandonné…

Enfin, encore une question de cohérence car il est inutile de reformuler pas à pas son offre, si l’on ne favorise pas en même temps le développement des accès aériens de qualité, l’Opensky, dont on parle depuis si longtemps, devrait enfin être voté d’ici la fin de l’année pour se devenir une réalité opérationnelle en mars 2017.

Dans la foulée, un nouvel aéroport international doit être construit à Utique, un site archéologique somptueux et un ancien port phénicien, dans le gouvernorat de Bizerte, à 35 km de la ville et à 40 km environ de Tunis.

Rome ne s’est pas faite en un jour et la Tunisie a besoin de temps pour reconstruire son tourisme.

Il fallait encaisser la crise, stabiliser l’existant pour espérer survivre et préparer l’avenir.

On dirait bien que cette étape est franchie… Reste à quitter résolument « le vieil homme », pour faire émerger la Tunisie de demain, celle que tout le monde attend.

On croise les doigts… Inch’ Allah.

Bertrand Figuier