La révision de la directive « forfait » en 5 questions-réponses


VainopoulosL’Europe ne passionne pas les français, et encore moins les professionnels du voyage.
Pourtant, l’écrasante majorité de nos futures lois se pensent et se décident aujourd’hui à Bruxelles.

La révision en cours de la « directive forfait », qui encadre la question de la responsabilité professionnelle des acteurs du voyage à forfait vis-à-vis des consommateurs, en est un bon exemple.

Les 28 Etats membres prendront du temps pour se mettre d’accord sur un texte final, mais à terme la nouvelle directive s’imposera dans toutes les législations nationales, en laissant beaucoup moins de possibilités d’adaptation que la version initiale de 1990. Elle succédera à la directive de 2006 qui a conduit à une harmonisation globale des services en Europe et au remplacement des agréments, habilitations, autorisations et licences par une seule et unique immatriculation.

Voici résumé en quelques questions-réponses les principaux enjeux du dossier.

Quel est l’enjeu de la future directive forfait ?

Depuis 1990, de nouveaux acteurs ont chamboulé le secteur du commerce, notamment le e-commerce. Dans le secteur du tourisme, la 1ère version de la directive forfait ne correspond plus à la réalité du marché. La Commission souhaite renforcer la protection du consommateur en modernisant la réglementation du voyage à forfait et l’imposer aux Etats européens. Cela permettra notamment une clarification et harmonisation du régime de responsabilité dans le cadre d’un voyage à forfait, actuellement inégal selon les pays membres.

Les élections ayant lieu en juin 2014, le dossier s’accélère. Pour le moment rien n’est décidé et tout est encore possible, le meilleur comme le pire. D’où l’importance pour les professionnels que nous sommes de faire entendre nos arguments.

De ce point de vue, certaines de nos positions ont évolué, notamment suite à l’accord entre le SNAV et le SETO pour la défense d’une co-responsabilité entre agences de voyages et tour-opérateurs, ce que je réclamais depuis plus de quatre ans car nous étions pratiquement le seul pays à donner la responsabilité pleine et entière aux vendeurs.
Mais il faut aller plus loin et passer à l’étape suivante, celle d’une responsabilité tripartite étendue aux compagnies aériennes.

Pourquoi le régime de responsabilité unique du vendeur n’est plus tenable ?

Lors de la publication du Code du Tourisme en France, voté en 1992 suite à la transposition de la directive de 1990, tous les professionnels se sont élevés contre la responsabilité unique du vendeur mais nous avons dû nous soumettre, notre lobbying ayant été peu efficace !
Le fait de rendre le vendeur seul responsable des défaillances pendant un voyage était censé permettre au consommateur de s’adresser à un seul interlocuteur. A charge pour celui-ci de se retourner à son tour contre ses fournisseurs défaillants.
Dans les faits, les choses se passent très différemment et beaucoup plus rarement qu’on ne le pense au profit du consommateur.

En cas de litiges lourds impliquant plusieurs parties, les appels en garantie ralentissent considérablement les procédures de dédommagements qui peuvent s’étendre sur plus de 10 ans. Surtout le juge est incapable d’établir les responsabilités réelles des fautifs, tant le droit est flou en la matière.
Pire, le régime actuel favorise paradoxalement les litiges en déresponsabilisant les autres acteurs que le vendeur.
Dans le cadre du voyage à forfait, la responsabilité et la responsabilisation d’un seul maillon de la chaine est tout sauf une bonne solution. Une coresponsabilité favoriserait au contraire une meilleure gestion des problèmes.

Que faut-il demander ?

Demain la responsabilité de chaque acteur doit pouvoir être engagée directement. Celle du vendeur pour un défaut de conseil, celle de l’organisateur pour une prestation défaillante, mais aussi et surtout, celle du transporteur, qui, rappelons-le, est à l’origine de 35 % des litiges, avec souvent des conséquences en cascade sur le bon déroulement du voyage, comme une croisière ou circuit, à la suite d’une journée de retard du vol.

La responsabilisation des compagnies aérienne est normale, rien ne justifie qu’elles s’exonèrent de toute obligation. La Commission a du reste commencé à augmenter les indemnités dues par les compagnies en cas de retards ou du surbooking pour les vols secs. Il est dans la logique des choses, que cette responsabilité soit étendue aux voyages à forfait.

Où en sommes-nous dans la procédure ?

Depuis octobre 2012, plusieurs votes ont eu lieu dans le sens d’une responsabilité plus équilibrée, même si nous sommes encore loin d’un résultat positif pour notre corporation. Le Parlement Européen vote en ce moment même le rapport Bach, qui servira de cadre de discussion principal durant la procédure de révision de la directive à forfaits.
C’est ce texte qui nous permettra d’obtenir demain une évolution du droit sur le régime de responsabilité partout en Europe. Même s’il est peu probable que la révision de la directive soit votée avant les élections européennes de juin prochain, il est d’ores et déjà sûr et certain que la Commission européenne poursuivra le travail déjà entamé, sans en changer les grandes lignes.
Une fois que le rapport aura été définitivement voté, les négociations entre le Parlement, le Conseil et la Commission s’engageront jusqu’à l’obtention d’une nouvelle directive.

Quelles erreurs ne pas commettre ?

L’erreur serait de croire que la partie est gagnée. Même si nos représentants nationaux réussissent à se mettre d’accords, il faudra compter avec les lobbyistes des autres Etats membres.
L’erreur serait également de penser que la mise en place d’une co-responsabilité entre le vendeur et l’organisateur serait suffisante. Toute la profession est dépendante de l’aérien, responsable d’une part importante des litiges et il faut combattre pour une responsabilité tripartite.
Contrairement à la directive de 1990, qui permettait au Parlement français de faire le choix d’une responsabilité unique du vendeur là où ses homologues européens retenaient un régime plus équilibré, la directive à venir ne laissera que très peu de marges de manœuvre aux acteurs nationaux.
Il n’est pas trop tard pour prendre conscience qu’il faut agir ensemble pour que les intérêts de la profession soient pris en compte par les institutions européennes. Se limiter aux frontières de l’hexagone, c’est se regarder le nombril, au risque de ne plus être en mesure d’éviter un texte néfaste pour la profession.

Que pouvons-nous et devons nous faire ?

Les discussions avec les institutions européennes ne s’improvisent pas. Nos homologues britanniques, par l’intermédiaire de leur syndicat l’ABTA, l’ont bien compris et sont déjà très actifs à Bruxelles. De notre côté nous ne pouvons pas nous reposer uniquement sur l’action de l’Ectaa, association européenne des agences de voyages, qui défend la position de tous les pays qu’elle représente et qui doit nécessairement trouver des compromis.

Pour ma part, je suis convaincu de la nécessité d’agir avec conviction dans ce sens. Je m’y emploie depuis plus de 6 ans en me rendant régulièrement à Bruxelles , en échangeant autant avec des députés européens , que des commissaires ou des associations de consommateurs. Je suis parvenu à faire entendre nos problématiques et à expliquer en quoi elles concernaient aussi bien les professionnels du voyages que les consommateurs !

Par ces nombreuses discussions, nous avons beaucoup avancé. La question de la coresponsabilité n’est d’ailleurs qu’un exemple parmi d’autres, des dossiers sur lesquels travaillent les institutions européennes dans le cadre de la directive forfait. Ce texte est également l’occasion de défendre une redéfinition de la notion de « circonstances exceptionnelles », la création d’une caisse de garantie contre les faillites de compagnies aériennes ou encore la réduction des seuils de retard de vol à partir desquels un voyageur peut obtenir une compensation.

Le travail effectué à Bruxelles est un processus long et extrêmement codifié. Il faut savoir être patient mais surtout bien expliquer à chacun nos positions avec des arguments de bonne foi.

Le jeu en vaut la chandelle. La législation actuelle est le fruit d’une directive qui existe depuis plus de 20 ans. Il est probable que la directive révisée durera au moins autant de temps.
Faisons tous en sorte qu’elle marque un réel progrès pour la professionnalisation du marché et la protection des consommateurs.

Richard Vainopoulos





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